A première vue, rien ne les distingue des autres parents d’élèves. Ils attendent sagement à la porte, affichent un large sourire lorsqu’ils voient leurs enfants apparaître et leur donnent la main avant de prendre le chemin du retour à la maison. Sauf que, mine de rien, cette sortie d’école se déroule aussi vite qu’une évacuation d’urgence : personne ne discute sur le trottoir, personne ne s’attarde. En quelques minutes, les abords de cet établissement de confession juive du centre de Paris sont déserts. Les « parents protecteurs » y ont veillé.
C’est ainsi que l’on appelle les pères et les mères formés à la « vigilance » par le Service de protection de la communauté juive (SPCJ), organisme créé en 1980, au lendemain de l’attentat de la rue Copernic, à Paris. Depuis celui de l’Hyper Cacher, le 9 janvier 2015, les volontaires se multiplient pour suivre ce programme de quelques heures, mis en place dans les mois qui ont suivi le drame, destiné à leur enseigner les rudiments de la sécurité et à ouvrir l’œil.
Cette prise en main de la protection par la communauté elle-même s’est accélérée depuis juin 2016, avec le retrait des militaires des postes de garde statique devant ou à l’intérieur des 800 écoles juives, synagogues et centres communautaires de France au profit de patrouilles mobiles. « L’Etat a beaucoup fait pour nous et nous savons qu’aujourd’hui tout le monde est une cible, alors nous devons nous prendre en main », explique Elie Ebidia, rabbin de la synagogue Don Isaac Abravanel, rue de la Roquette, dans le 11e arrondissement de Paris, et directeur d’une école dont il préfère taire le nom.
« Règles de base de la vigilance »
Hannah (les prénoms ont été modifiés) a donné l’alerte à deux reprises. Une première fois après avoir repéré une bande de jeunes jouant avec des pistolets qui se sont révélés factices, une seconde lorsqu’elle a aperçu un homme portant un casque de moto au volant de sa voiture aux vitres teintées à deux pas de l’école. « En fait, il ne faisait que jouer avec son fils », se souvient-elle. A 37 ans, cette mère de quatre jeunes enfants scolarisés dans une école juive de l’est de Paris se décrit comme un « parent vigilant ».
Son mari, lui, est « parent protecteur » : il a suivi la formation du SPCJ en septembre 2016 et suit depuis des cours de krav-maga, la méthode d’autodéfense utilisée par l’armée israélienne. « Nous avons ainsi appris les règles de base de la vigilance : repérer un sac à l’abandon, un comportement suspect, une présence inhabituelle, assurer la fluidité à l’entrée et à la sortie de l’école…, explique Hannah. Il fallait bien compenser le départ des militaires. »
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