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Nucléaire

EDF accepte l’indemnisation de l’Etat pour fermer Fessenheim. Les élus locaux réfléchissent à l’après-nucléaire

Le conseil d’administration d’EDF accepte l’indemnisation proposée par l’Etat pour la fermeture de la centrale de Fessenheim. Sur place, les élus commencent à imaginer la reconversion du site de la centrale nucléaire. Le constructeur de voitures électriques Tesla est une hypothèse de travail.

  • Actualisation - Mardi 24 janvier 2017 - Le conseil d’administration d’EDF a accepté ce mardi matin les conditions d’indemnisation proposées par l’État pour la fermeture de la centrale de Fessenheim. La convention négociée avec l’État prévoit d’indemniser EDF à hauteur d’environ 450 millions d’euros d’ici 2021 pour la fermeture des deux réacteurs nucléaires. Celle-ci interviendrait à l’horizon fin 2018, au moment de la mise en service de l’EPR de Flamanville (Manche). Plus de détails sur cette indemnisation ici.

  • Strasbourg (Bas-Rhin), correspondance

Le 31 décembre 2016 François Hollande présentait ses derniers vœux aux Français. Ce moment marquait aussi l’enterrement d’une des 60 promesses du président socialiste, la fermeture de la plus vieille centrale nucléaire de France à Fessenheim (Haut-Rhin). Ironie du calendrier, le réacteur numéro 1 à l’arrêt depuis le 10 décembre pour des contrôles a recommencé à fonctionner le 31. Quant au réacteur numéro 2, affecté par des défauts intrinsèques de concentration de carbone, il est à l’arrêt depuis juin 2016 et sa reprise n’est prévue, au plus tôt, que pour le 31 mars 2017.

Le calendrier ne sera pas respecté, mais la fermeture de la centrale reste possible à terme. Le décret prévu “pour la fin 2016” n’est pas paru, mais devrait l’être avant l’élection présidentielle d’avril 2017, si l’on en croit la ministre de l’Environnement Ségolène Royal (PS) qui a déclaré sur Europe 1 le 8 janvier (à 19 minutes) que “la procédure se poursuit comme prévu”.

Elle a ajouté qu’il est “très nocif [d’avoir] des allers-retours sur la politique énergétique de la France”, évoquant ceux des candidats à l’élection présidentielle qui veulent revenir sur cette fermeture ou sur la loi de transition énergétique qui prévoit de réduire la part de l’énergie nucléaire de 75 % aujourd’hui à 50 % en 2025.

Même André Hartz, porte-parole du collectif Stop Fessenheim, se dit “optimiste sur le fait qu’il y ait un décret", mais en revanche il est “craintif sur l’échéance” et les conditions : “Ce qui m’inquiète est la corrélation possible dans le décret entre la fermeture de Fessenheim et l’ouverture de l’EPR de Flamanville prévue pour fin 2018. D’abord parce qu’on ne souhaite pas que l’EPR démarre, mais aussi parce qu’il ne démarrera peut-être jamais.”

Cependant, selon lui, un décret courant 2017 serait une avancée tangible, même à l’aune des élections présidentielles.

Manifestation pour la fermeture de Fessenheim en 2016 sur de nombreux ponts du Rhin. Ici, près de celui de Marckolsheim.

Date capitale dans le processus, le conseil d’administration d’EDF du 24 janvier qui acceptera, ou non la décision de fermer Fessenheim. Les six représentants des salariés voteront contre la fermeture et les six représentants de l’État ne pourront pas voter, étant considérés comme en conflit d’intérêt. Reste à savoir ce que feront les six autres administrateurs indépendants, sachant qu’en cas d’égalité, la voix du PDG Jean-Bernard Levy comptera double.

Les syndicats du personnel de la centrale, opposés à sa fermeture, ont commandé trois rapports d’experts sur les impacts économiques locaux, la place de Fessenheim dans la production nationale et le mécanisme d’indemnisation. Si le contenu exact ne sera dévoilé que jeudi 12 janvier, “les premiers retours confirment nos intuitions” estime Jean-Luc Magnaval, secrétaire CGT du comité central d’entreprise (CCE) d’EDF.

Mardi 10 janvier, durant la tenue du CCE qui a pris officiellement position contre la fermeture, 150 salariés (sur 850 agents et 200 sous-traitants) se sont rassemblés devant le site pour manifester leur refus de la fermeture. Une partie a arrêté le travail quelques minutes ou quelques heures.

Chez les élus locaux, les lignes bougent… doucement

Longtemps, les responsables politiques alsaciens se sont refusés à envisager une fermeture du site, notamment au nom de l’emploi et d’une sécurité qu’ils estiment suffisante, en dépit des arrêts répétés et de la situation de la centrale sur une faille sismique. L’année dernière, une visite d’un liquidateur de Tchernobyl s’était soldée par un cadeau de remerciements on ne peut plus maladroit : le livre Vivre le nucléaire heureux.

Président du conseil départemental du Haut-Rhin depuis 2015, Eric Straumann (LR), adopte pourtant un autre discours : “On intègre le fait qu’elle va fermer et peut-être plus vite qu’on ne le pense. Si l’Autorité de sûreté nucléaire estime qu’il y a un danger, je ne m’opposerai pas à sa décision.” Or des contrôles avec des normes plus exigeantes se profilent au début des années 2020. En ce qui concerne la date, M. Straumann pense à “une décennie" plutôt qu’à deux ans comme le voudrait la procédure en cours.

Une usine Tesla ? “Pas complètement absurde”

Alors que mettre à la place de la centrale quadragénaire ? Ségolène Royal avait proposé d’y implanter une usine de voitures électriques Tesla, dont le PDG Elon Musk a un jour dit que l’Alsace serait un bon emplacement. Éric Straumann trouve pourtant l’idée “pas complètement absurde. On reste en contact avec Tesla grâce à notre agence économique. On en a encore parlé il y a trois semaines avec le ministère. Sur le site même, c’est trop petit, mais il y a une grand zone économique au nord. Fessenheim a un accès direct au Rhin et se trouve au carrefour de l’Allemagne, la France et la Suisse.” Également député, il avait proposé fin août un projet économique expérimental : “Une grande zone européenne franche de 5 ou 10 ans pour avoir des investissements.”

Le maire de Fessenheim Claude Brender (sans étiquette mais qui appelle à voter François Fillon) est sur la même position : “On ne peut plus être dans une logique que la centrale est éternelle. Malheureusement, le processus est enclenché et il faudra agir lors des présidentielles. Mais en ce qui concerne les visites de sûreté qui auront lieu autour de 2021, on n’est pas sûr qu’elles donnent le feu vert.”

Plutôt que d’autres activités économiques ou de l’électricité renouvelable, le maire imagine de nouveaux équipements nucléaires : “Le meilleur avenir du site serait de continuer à produire de l’électricité, nucléaire ou conventionnelle, car tous les équipements de raccordement sont là. Peut-être faudrait-il implanter une nouvelle génération de réacteur, encore plus moderne que l’EPR.”

L’Etat aux abonnés absents

La centrale rapporte entre 2,8 et 3 millions d’euros d’impôts à sa commune, en plus de l’activité des ménages des travailleurs qui y résident. “On parle beaucoup de l’indemnisation d’EDF mais jamais des territoires”, souligne le maire qui pointe les 2.200 emplois induits. “On n’a plus aucune nouvelle de ’Monsieur Fessenheim’ Jean-Luc Malerba (délégué interministériel à la fermeture de la centrale de Fessenheim ndlr), qui ne nous a jamais rien proposé, confirmer Eric Straumann. Je l’ai vu une fois et il était tout seul dans son bureau à Paris.”

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