Sa seconde loi sur le logement a définitivement été adoptée, jeudi 20 février, par le Parlement. Mais pour Cécile Duflot, sa mission au gouvernement n'est pas terminée. Dans la ligne de mire de la ministre de l'égalité des territoires et du logement : le futur projet de loi sur la transition énergétique dont les écologistes ont fait leur priorité. A l'heure des arbitrages, l'ex-numéro 1 des Verts met en garde l'exécutif contre toute tentation de recul.
Samedi 22 février, plusieurs dirigeants d'EELV manifestent contre le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Si vous n'étiez pas ministre, seriez-vous à leurs côtés ?
Cécile Duflot : Plutôt deux fois qu'une ! Je suis de cœur avec eux et ils le savent. Ma contestation de ce projet est ancienne, notre participation à la majorité n'y change rien. Le sujet n'est pas politicien, c'est un moyen de débattre de la transition énergétique dans un moment où l'on a du mal à trouver des fonds pour investir. La question qui se pose, c'est celle de la transition écologique. Ce n'est plus une option, c'est désormais un devoir. Notre continent a été capable de faire la révolution agraire et industrielle, il doit faire maintenant la révolution écologique. Nous sommes à un rendez-vous historique.
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Le gouvernement en est-il conscient ?
Il ne l'a pas encore démontré, et je le regrette. Les élus locaux, les chefs d'entreprise l'ont mieux compris : ils sont dix fois plus en avance que les responsables politiques nationaux. Chacun doit comprendre qu'il n'est pas question d'un accord entre partis politiques mais d'une capacité à engager l'avenir de ce pays. Le président de la République avait raison de dire que la loi sur la transition énergétique devait être la loi majeure du quinquennat.
Dans ce projet, l'Elysée envisagerait de remplacer les vieilles centrales nucléaires par des EPR. Pourriez-vous l'accepter ?
Il y a beaucoup d'enfumage dans ce dossier. Certains groupes, certains lobbys sont dans un jeu d'acteur pour pousser les écologistes en dehors de la majorité et avoir les mains libres pour faire autre chose. Ce sujet n'est pas sur la table et il n'a pas vocation à l'être. L'EPR, c'est surtout un épouvantail à écolos !
Les gaz de schiste également ?
Cela fait dix-huit mois que ce sujet revient régulièrement. Or la position du gouvernement n'a jamais varié. C'est celle d'un compromis clair et lisible : la diminution par deux des consommations énergétiques en France à l'horizon 2050 et le passage de 75 % à 50 % de l'électricité produite par le nucléaire d'ici à 2025. Elle s'impose à tous. Je ne change pas de position toutes les semaines. Cela prouve que les écologistes sont finalement plus respectueux de la position du gouvernement que d'autres.
Que faut-il pour que la loi transition énergétique soit une bonne loi ?
Il faut la mise en oeuvre des engagements pris et un volet très ambitieux sur les économies d'énergie. Le temps des demi-mesures est révolu. Si on rate ce rendez-vous, ce ne sera pas un problème simplement pour les écologistes, mais pour tout le pays. Cela signifiera qu'on aura manqué de capacité de conviction ou que certains auront manqué à leurs responsabilités. Nous devons diminuer la part du nucléaire, pas uniquement pour des questions de sécurité ou de déchets, mais parce que si on ne prend pas ce virage dès aujourd'hui – et c'est presque tard déjà – nous subirons l'avenir. Cela relève du destin collectif de la France. Nous allons accueillir la conférence internationale sur le climat en 2015 : le pays hôte doit être exemplaire.
Partagez-vous le point de vue de votre parti, qui a affirmé sa « ferme opposition » au pacte de responsabilité ?
Il y a la nécessité d'avoir un cap clair, qui n'est pas suffisamment lisible aujourd'hui. Le pacte est un moyen, pas une orientation. Le débat ne doit pas porter sur les moyens de ce pacte, mais sur l'horizon donné à la politique générale du pays. Le vrai pacte doit permettre la transition écologique, y compris avec les entreprises. On doit entrer dans la logique de l'éco-conditionnalité. Les entreprises sont des partenaires mais la manière idéologique et court-termiste adoptée par le Medef jusqu'à présent n'est pas la bonne. Soit on se replie sur soi, soit on ose. Le pays est plus mûr que l'orientation donnée. Soyons donc moins frileux ! La gauche perd toujours quand elle choisit l'immobilisme plutôt que le mouvement.
Craignez-vous un vote sanction lors des prochaines élections ?
Il y a toujours quelque chose de très particulier avec des élections municipales. Le contexte national infuse dans le débat. Il faudrait être aveugle pour ne pas voir une forme de tristesse chez ceux qui ont fondé beaucoup d'espoir dans le changement de président en 2012. Et c'est plus grave lorsque la gauche déçoit car il y a plus d'espoir mis dans le changement. Ce que je constate, en revanche, c'est que les écologistes sont en situation d'apparaître comme un élément dynamisant du débat politique. Aux européennes, la vraie inquiétude, c'est l'extrême droite. Imaginons l'image de la France en Europe si le FN arrivait en tête en mai… Ce serait une catastrophe que l'on ne mesure pas assez actuellement. Il faut combattre toute tentation de repli national et défendre au contraire plus de démocratie européenne et plus de projets communs avec nos voisins. Aux européennes, les écologistes seront les seuls à être résolument proeuropéens et convaincus que c'est pour cela que l'Europe doit changer.
Pensez-vous que la solution réside dans un remaniement ?
J'ai développé un grand détachement à ce sujet. Les rumeurs occupent surtout quelques journalistes et responsables politiques, mais le reste du pays s'en moque. Je plaide pour mettre du long terme dans l'action politique, pas pour multiplier des coups de com'. La force d'un gouvernement, c'est aussi son collectif.
Les relations au sein de la majorité vous satisfont-elles ?
Il y a des débats, c'est normal : on ne fait pas marcher à la baguette la majorité. Mais nous manquons d'espace de débats collectifs, ouverts et partagés. Les socialistes ont trop l'habitude de gouverner seuls. Je promets que, quand les écologistes seront majoritaires, nous serons plus attachés au collectif.
Comment envisagez-vous votre avenir ? Etes-vous favorable à une candidature des écologistes en 2017 ?
On souffre de considérer la politique uniquement comme un jeu tactique. La politique sans idéal n'est rien qu'une sale manie. Pour ma part, je ne suis frileuse de rien : je peux tout autant m'effacer que ne pas me taire. Pour 2017, le débat politique se posera en fonction de la situation politique. Une fois pour toutes, la défaite du 21 avril 2002 n'est pas due à l'éparpillement des candidatures. Croire cela, c'est être condamné à revivre le 21 avril : on n'oblige pas les citoyens à voter pour telle ou telle candidature. En 2002, le problème était une incompréhension par l'électorat de gauche du virage pris par la majorité de l'époque en 2000. Ne répétons pas les mêmes erreurs, la majorité actuelle peut prendre une autre voie.
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