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Politique

Estrosi, Guaino, Bayrou... feu sur le quartier général Fillon

Dans un meeting de François Fillon à Nice, la puissance locale, Christian Estrosi, a invité le candidat LR à user du mot "social" et à s'adresser "aux millions de Français délaissés". Une manière implicite de mettre en garde le candidat contre le risque d'un 21 avril à l'envers.

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Le maire de Nice Christian Estrosi et l'ancien Premier ministre François Fillon, le 13 septembre 2013 à Nice

L'ancien maire de Nice Christian Estrosi met en garde François Fillon sur le premier tour de l'élection présidentielle et la menace d'un 21 avril à l'envers. 

(c) Afp

L’Histoire retiendra qu’un soir de janvier 2017, les Forces de l’esprit de Pierre Mauroy se sont emparées de… Christian Estrosi. Une voix s’est élevée, qui a lancé un avertissement, qui ne sera pas entendu par le candidat Fillon, semblable à celui que lança Pierre Mauroy à Lionel Jospin en 2002. Donc, jouant les vedettes américaines à Nice, là où François Fillon tenait meeting, le président du Conseil régional PACA, Christian Estrosi, s’est décidé, d’un coup, à jouer les Cassandre, disant ceci : "Le mot social n'est pas une grossièreté. En laisser le monopole à d'autres serait courir à notre perte. On ne gagnera pas sans s'adresser aux millions de Français délaissés".  

Convoquons ici Proust et sa madeleine. Le propos estrosien en évoque un autre. Ecoutons l’écho. Et ce qu’il annonce.  Souvenons-nous. En 2002, dans un entretien au Parisien, Pierre Mauroy prévenait Lionel Jospin, alors en marche vers son 21 avril, en des termes quasi-identiques : "L’évolution de la société, qui assimile la classe ouvrière au fourre-tout de la classe moyenne, ne doit pas faire oublier dans nos discours et dans nos actes notre électorat populaire. Il faut utiliser les mots de travailleurs, d'ouvriers ou d'employés : ce ne sont pas des gros mots ! La classe ouvrière existe toujours. Pour le premier tour, et le second, il faut donc des gestes à l'égard du mouvement populaire".

Pierre Mauroy, compagnon de route de François Mitterrand, connaissait, son pays, sa gauche et son histoire. Dans la construction d’une majorité politique associée à une majorité sociale, pas un candidat à l’élection présidentielle, à gauche cela va de soi, mais aussi à droite, car il faut bien dépasser le vote de classe bourgeois, ne peut faire l’impasse sur les classes populaires. C’est la force de la droite, de de Gaulle à Sarkozy en passant par Pompidou et Chirac, que d’être capable de déconnecter d’un vote politique conforme à leurs intérêts de classe, des pans entiers de l’électorat populaire. Celui qui y renonce, qui promet au petit peuple la punition de ses péchés pour avoir osé la gauche, celui-là s’expose à de désagréables surprises… En l’espèce, l’ancien maire de Nice, qui sait son petit peuple de droite, ne dit pas autre chose à François Fillon.

"Je ne suis pas filloniste"

Ce n’est pas rien que le défi lancé à François Fillon par Christian Estrosi. Surtout assorti d’une saillie assassine : "Si je suis un ami de François Fillon, je ne suis pas fillonniste".

François Fillon menace la Sécurité sociale. Et les Français n’aiment pas cela. Le candidat issu de la primaire de la droite et du centre a beau multiplier les opérations de communication de crise afin de tenter de se repeindre en héritier du Conseil national de la Résistance, fidèle à l’enseignement du général, il ne parvient pas à décoller l’étiquette qu’il s’est lui-même collé. Il est le candidat qui s’apprête à détruire l’Assurance-maladie, et avec elle la belle idée de Sécurité sociale et solidarité nationale, dans le dessein de construire un système de santé qui sera financé par l’ensemble des Français, notamment les classes moyennes et populaires, au profit des plus riches, soit cette partie de la bourgeoisie française pénétrée par le populisme chrétien qui a fait son succès à la primaire.  

François Fillon est pris au piège de sa contradiction. Qui dit tantôt "Je ne céderai sur rien", et tantôt "Vous ne m’avez pas compris". Mercredi matin, invité d’une émission à l’auditorat populaire, sur RMC, face au journaliste Jean-Jacques Bourdin, porte-parole des bars PMU de France, il s’est encore essayé à la communication de crise en mode vieille droite que lui conseille ses communicants : le mea culpa qui pose le politique responsable qui entend les critiques : "Dans cette affaire de Sécurité sociale, on n'a pas été bons, on n'a pas été clairs dans nos propositions". Sauf qu’il n’a rien précisé de la réalité de son projet de réforme de la Sécurité sociale, se contentant de répéter ce qui inquiète justement les Français les plus socialement fragiles : "Ca ne peut plus continuer comme ça".

En quelques semaines, François Fillon s’est attaché deux boulets aux pieds. Il est le candidat qui s’apprête à démolir la Sécu. Il est le candidat identitaire de la Manif pour tous. Deux raisons d’être minoritaires. Deux causes de défaite potentielle à l’élection présidentielle. Il ne faut donc pas s’étonner de voir qu’à droite, ceux qui n’ont pas nécessairement intérêt à assister à une consécration présidentielle de François Fillon, s’empressent de tirer sur ces boulets afin d’entraver la marche vers de le sacre du candidat.

Le candidat des cathos

Qu’il se proclame "Gaulliste, de surcroît chrétien", et voilà François Bayrou, "Mais comment peut-on arriver à mélanger la politique et la religion à ce point, de cette manière déplacée ? Le principe de la France, c’est qu’on ne mélange pas religion et politique", et Henri Guaino, "ça nous entraîne sur un terrain sur lequel, il me semblait, nous ne voulions pas aller", qui tirent à vue sur le candidat des catholiques. Qu’il continue de promettre un programme social en mode punitif, et voilà que Nicolas Dupont-Aignan, "C’est le programme le plus con de l’histoire de la droite", et Laurent Wauquiez, "Un projet présidentiel en 2017, ça ne peut pas être que du sang et des larmes", tirent aussi à vue sur le candidat de la bourgeoisie revancharde.

De toutes parts, à droite, c’est feu sur le quartier général Fillon. Somme toute, c’est logique. Comme le dit François Bayrou : "Fillon a été désigné parce qu’il était le meilleur candidat anti-Hollande, mais le problème, c’est qu’il n’y a plus de Hollande". Ce n’est pas mal vu. D’autant qu’à gauche, le terrain se dégage, jour après jour, en faveur d’Emmanuel Macron. Ici et là, de l’Elysée à Solferino, commence à s’écrire le scénario de l’inévitable ralliement à la candidature Macron du futur candidat désigné au terme de la primaire de la Belle alliance populaire, dès lors qu’il sera englué dans les sondages à la fin du mois de février. Si ce scénario devait advenir, il viendrait planter la stratégie Fillon, qui repose sur un postulat simple : je vais gagner parce que je serai au second tour face à Marine Le Pen, la gauche étant éclatée entre Macron, Mélenchon et un socialiste. Sauf que s’il n’y a plus de socialiste, il n’y a plus de stratégie Fillon. Et pas de plan B.

Estrosi n’a pas tort. Pas plus que Guaino. Et Bayrou. Et Wauquiez. Le candidat Fillon, candidat de la Manif pour tous et d’Agnès Verdier-Molinié, est aujourd’hui coupé des forces populaires sans lesquelles même un président issu de la droite ne saurait être élu. François Fillon est aujourd’hui celui qui promet à son camp un "21 avril à l’envers". Et il s’y connait en matière de "21 avril à l’envers", puisqu’il est l’inventeur de la formule.

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