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Alimentation

La fin des barquettes en plastique dans les cantines est décidée à Strasbourg

Sous l’impulsion de parents d’élèves, la mairie de Strasbourg va remplacer progressivement les barquettes en plastique des cantines scolaires par de la vaisselle réutilisable. Moins de déchets, une nuisance sanitaire en moins. D’autres grandes villes sont appelées à reproduire ce bon geste.

  • Strasbourg (Bas-Rhin), correspondance

« Nous avons fait le choix de passer entièrement aux contenants inertes et réutilisables ». Tel est désormais l’engagement de l’adjointe au maire en charge de l’Éducation, Françoise Buffet (divers gauche), sur l’avenir de la restauration scolaire à Strasbourg.

Françoise Buffet a fait cette déclaration jeudi 12 janvier lors d’une conférence de presse, en présentant le cahier des charges du marché public de la restauration scolaire que lance la municipalité. Les changements concernent les cantines des écoles strasbourgeoises à partir de la rentrée 2017. Le marché fixe les conditions de notation des entreprises candidates pour nourrir quelque 10.000 enfants.

Depuis le mois de septembre 2016, des parents d’élèves à Strasbourg tentent de sensibiliser la municipalité à l’opportunité de se débarrasser des barquettes en plastique dans ses cantines. Le renouvellement du marché de la restauration scolaire pour la rentrée 2017 serait l’occasion idéale.

Le collectif Projet cantines a mis en avant deux aspects. D’une part la réduction des déchets nécessaire, car l’Eurométropole de Strasbourg est engagée dans un projet « territoire zéro déchet » et son incinérateur amianté est à l’arrêt pour plus de deux ans, ce qui engendre des millions d’euros de surcoût de détournement de déchets.

De l’autre, il voit un risque sanitaire lié au réchauffement du plastique. En effet, tout matériel plastique relargue des molécules chimiques lorsqu’il est chauffé et les jeunes enfants, dont le corps est en formation, sont les plus exposés aux perturbateurs endocriniens, bien que, les conséquences (cancers, stérilité) n’étant qu’à long terme, il est difficile d’établir un rapport direct.

Il s’agit néanmoins d’appliquer un « principe de précaution », puisque les barquettes utilisées jusqu’à présent à Strasbourg sont aux normes sanitaires européennes et même sans bisphénol A, le perturbateur endocrinien le mieux connu.

Les barquettes utilisées dans les cantines strasbourgeoises.

Les parents voulaient que Strasbourg prenne exemple sur la commune de Sables-d’Olonne, en Vendée, qui à l’été 2015 s’est tournée vers un prestataire avec des contenants en inox après une mobilisation des parents, sans que cela ne génère de surcoût, selon Annie Comparat, adjointe au maire chargée des affaires sociales, de la jeunesse et des écoles.

« Le choix de passer entièrement aux contenants inertes et réutilisables » 

À coup de lettre ouverte, appels solennels et réunions publiques, les parents strasbourgeois ont eu en partie gain de cause par rapport aux engagements encore flous de septembre ou de novembre, lors du vote d’une délibération de principe.

« Nous avons fait le choix de passer entièrement aux contenants inertes et réutilisables », a déclaré Françoise Buffet lors de la conférence de presse de jeudi.

Le cahier des charges fixe des objectifs de remplacement progressif. Le texte demande un remplacement « a minima » de 50 % des barquettes par des contenants réutilisables (vraisemblablement de l’inox) en deux ans et 100 %, « ou être proche », en quatre ans. En août 2021, toutes les cantines de Strasbourg devraient donc utiliser des contenants réutilisables.

Mais ce critère ne compte que pour 9 points sur 100 dans l’ensemble du marché public. Par comparaison, le prix de la prestation compte pour 40 % de la note finale. Pour Nicole Dreyer (PS), adjointe au maire chargée de la petite enfance, cette répartition de la note permettra à la Ville « de ne pas choisir le moins-disant. »

Nicole Dreyer (PS, adjointe au maire de Strasbourg chargée de la petite enfance), à gauche, et Françoise Buffet (divers gauche, adjointe chargée de l’éducation).

Si cet objectif de remplacement est suivi par l’attributaire et tenu, Strasbourg serait la première grande ville de France à se débarrasser des barquettes en plastique. Pour assurer un suivi, la durée du marché a été abaissée de quatre à deux ans, reconductible une fois. Si en revanche l’objectif de 50 % n’est pas rempli en deux ans, le prestataire pourrait être démis et un nouvel appel à candidatures lancé.

« Quand les citoyens se mobilisent, ils peuvent faire évoluer les politiques » 

Pour veiller au respect de ces engagements, un groupe de travail qui associe les parents, les agents de la ville et les élus assurera un suivi. Des représentants du personnel en feront partie, car ces modifications techniques demanderont aussi aux agents de s’adapter. Le ou les prestataires sélectionnés s’y joindront.

À la lecture de ces conditions, Ludivine Quintallet, du collectif Projet cantines, se dit « vigilante » sur l’application : « On est globalement satisfaits par cette clause de remplacement et par la mise en place du groupe de travail, qui permettra un contrôle citoyen. Mais quatre ans pour une question de santé publique, c’est trop long. On attend du groupe de travail qu’il permette d’avancer plus vite sur cette question. Lorsque le maire nous a reçu fin décembre, il a souligné sa volonté de mettre Strasbourg en pointe sur ce sujet pour fédérer dans d’autres villes, autour de médecins et de chercheurs. »

Pour Laura Chatel, chargée de mission chez Zero Waste France, le choix de Strasbourg doit faire des émules en France : « On se félicite de cette décision qui fixe un objectif clair de 100 % réutilisable et un calendrier précis. Nous espérons maintenant que les entreprises qui répondront à l’appel d’offres joueront le jeu et sauront faire preuve de créativité et d’ambition pour répondre à cet objectif. L’exemple strasbourgeois démontre en tout cas que quand les citoyens se mobilisent, ils peuvent faire évoluer les politiques vers une meilleure prise en compte des enjeux de santé et d’environnement. Nous espérons que cette décision inspirera d’autres collectivités, qui n’ont souvent pas encore identifié ce sujet comme un problème. »

L’enjeu pourrait être décliné dans la restauration d’entreprises, d’administrations et surtout des hôpitaux, comme le demandent des médecins de l’Académie nationale.

D’autres organismes de restauration collective pourraient emboîter le pas de la ville de Strasbourg.

Les entreprises de restauration collective ont désormais 54 jours pour candidater aux marchés de la ville de Strasbourg. Une commission avec des élus de toutes les sensibilités politiques et les services noteront les offres avant de retenir un ou plusieurs prestataires fin mai ou début juin.

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