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Le monde des forêts sauvages recule rapidement

Selon une étude fondée sur des images satellites, en treize ans, 920 000 km2, soit 7,2 % de ces précieux écosystèmes boisés dans le monde, ont disparu.

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Publié le 16 janvier 2017 à 06h32, modifié le 16 janvier 2017 à 10h51

Temps de Lecture 3 min.

Non, « Les dernières frontières des contrées sauvages » n’est pas le titre d’un film d’aventure, mais celui d’un nouveau diagnostic sur la perte des ressources naturelles qui s’accélère autour du globe. Cette fois, il s’agit d’ausculter l’état des forêts, mais pas n’importe lesquelles. L’étude publiée vendredi 13 janvier dans Science Advances porte sur les plus précieux des paysages forestiers encore intacts (Intact Forest Landscapes, IFL) de la planète, qui représentent environ un cinquième du couvert forestier mondial.

Ces trésors de biodiversité ont diminué globalement de 7,2 % entre 2000 et 2013, soit environ 920 000 kilomètres carrés rayés de la carte. Et cette dégradation s’accélère : en 2011-2013, les pertes étaient trois fois supérieures à celles de 2001-2003.

Selon les auteurs, les IFL se présentent comme des mosaïques d’aires d’au moins 500 km² d’un seul tenant, à peu près exemptes de signes d’activités humaines détectables à distance – mais on peut y trouver des chasseurs, par exemple –, essentiellement composées de parcelles boisées, mais qui peuvent aussi englober des marais ou des lacs. Ils recouvrent une superficie plus large que les forêts primaires au sens que leur donne l’Agence des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) – c’est-à-dire des aires boisées naturellement régénérées d’espèces indigènes sans perturbations de leurs processus écologiques.

Les images par satellite, notamment produites par Google Earth, sur lesquelles repose cette recherche, indiquent que seules quelques régions du globe abritent encore des écosystèmes forestiers de cette valeur : l’Amazonie, l’Afrique centrale, le Grand Nord, l’Asie du Sud-Est.

322 000 km² en moins en Amérique du Sud

Sur les 65 pays concernés, le Canada, avec 3 millions de kilomètres carrés, la Russie (2,7 millions) et le Brésil (2,4 millions) en représentent les deux tiers. Or ces trois pays connaissent tous de sévères réductions, respectivement de 4,7 %, 4,3 % et 6,3 % par rapport à leurs paysages de 2000. Globalement, 60 % des disparitions sont enregistrées dans les régions tropicales, en particulier en Amérique du Sud (avec 322 000 km² en moins) et en Afrique (101 000 km2). Proportionnellement, la situation apparaît particulièrement dégradée au Paraguay, qui a vu disparaître 79 % de ces précieuses aires boisées intactes. Quant à la Roumanie, elle les a entièrement perdues.

Professeur de sciences géographiques à l’université du Maryland, aux Etats-Unis, Matthew Hansen travaille depuis plusieurs années sur ces cartographies mouvantes. Il a conduit cette étude avec des experts de Greenpeace travaillant notamment en Russie et au Canada. « On ne peut malheureusement pas être surpris par ces résultats, note-t-il. Les observations par satellite sont tellement claires sur ce qui se passe. Elles ont incité le Brésil à réagir et à prendre des mesures contre la déforestation ; c’est loin d’être le cas partout. Les gouvernements ne sont d’ailleurs pas seuls en cause : pour que l’huile de palme cesse de ravager les forêts d’Indonésie, il faudrait transformer toute l’économie, car aux Etats-Unis tous nos produits en contiennent ! »

Les forêts au sens large comme les IFL sont très majoritairement victimes des activités humaines. Cependant, les maux qui les touchent diffèrent un peu, car la conquête des terres par l’agro-industrie – huile de palme, soja – a d’abord un impact sur les zones plus accessibles.

Des aires protégées efficaces

Souvent situés dans des endroits reculés, perchés dans les montagnes, les écosystèmes intacts, eux, sont au premier chef touchés par l’exploitation forestière, responsable de 37 % de leur disparition, par l’expansion de l’agriculture industrielle mais aussi paysanne (27,7 %), ainsi que par la propagation des feux délibérée ou bien naturelle – surtout dans le Sud-Est asiatique et en Afrique –, par la création d’infrastructures (routes, pipelines, grands barrages hydroélectriques pour 21, 2 %), par l’extraction de pétrole, de gaz, par l’ouverture de mines…

L’exploitation sélective du bois est moins dommageable pour ces forêts que les coupes claires qui les rendent plus vulnérables au feu et à certains ravageurs, entraînent de lourdes pertes de biodiversité et réduisent leur capacité à stocker le carbone. De même, l’aménagement de voies d’accès fragmente ces espaces et favorise le braconnage. Le classement en aires protégées semble efficace pour ralentir les destructions, dont le rythme a été dans ces zones, selon les auteurs, trois fois moins rapide que la moyenne – incendies mis à part.

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Ils se montrent sévères, en revanche, sur la faible efficacité des labels environnementaux délivrés à des exploitants censés respecter les parcelles de forêts intactes. Au Cameroun, au Gabon et dans la République du Congo, les informations spatiales mises à jour laissent apparaître la même forte dégradation du précieux écosystème forestier à l’extérieur comme à l’intérieur des concessions certifiées Forest Stewardship Council (FSC), voire révèlent une cadence supérieure.

Si le rythme de destruction observé entre 2000 et 2013 se maintient, le Paraguay, le Laos, le Cambodge et la Guinée équatoriale perdront leurs forêts intactes d’ici à vingt ans, et quinze autres pays d’ici à soixante ans.

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