Transport

Les chauffeurs veulent passer par-dessus la tête d'Uber

Pour maîtriser leurs tarifs et leurs conditions de travail, certains VTC envisagent de se passer des grandes plateformes, et de créer leurs propres applications, gérées sur le mode coopératif.
par Franck Bouaziz
publié le 15 janvier 2017 à 17h49

Les chauffeurs VTC tentent d'entretenir la flamme de la contestation. Ils appellent à manifester lundi, place de la Bastille (Paris XIIe), en prélude à un déplacement vers le siège des principales plateformes commerciales de réservation : Uber, Chauffeurs privés ou encore Le Cab. Leurs motifs de grogne n'ont pas changé. Ils réclament toujours une commission moins élevée sur le prix de chaque course et l'arrêt des déconnexions unilatérales, décidées par les plateformes, lorsqu'elles veulent se séparer d'un chauffeur. Seul le lieu de rassemblement a varié. Il ne s'agit plus des aéroports, comme au mois de décembre, mais du cœur de Paris.

100% collaborative

Il est vrai que le dernier rassemblement de ce type, destiné à perturber le trafic aérien, n'a recueilli qu'un succès d'estime. Les revendications des chauffeurs VTC n'ont en outre, reçu qu'un accueil poli du médiateur nommé par le gouvernement pour essayer de calmer le jeu. Faut-il y voir une relation de cause à effet, les opposants au système Uber travaillent depuis plusieurs semaines sur un autre front.

La création de plateformes coopératives pour concurrencer l'offre uniquement commerciale en matière de VTC. Samedi, L'alternative mobilité transports (AMT), une association qui regroupe des chauffeurs a annoncé la création d'une application 100% collaborative destinée à mettre en relation directe des VTC et des clients, sans passer par une plateforme. «Il n'y aura pas de commission prélevée. Le chauffeur gardera l'intégralité du prix de la course et s'acquittera, en échange, d'un abonnement de 30 euros», détaille le porte-parole de l'AMT, Soufian El Kartaoui. L'application devrait être opérationnelle d'ici au 15 février et aurait déjà bénéficié de 100 000 euros d'investissement, pour les travaux de développement.

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Qui sont les financeurs ? L'AMT demeure, sur le sujet, très discrète. L'initiative fait cependant sourire bon nombre de ceux qui se préoccupent du dossier. Le président d'AMT, Joseph François, également patron du groupe Max, est en effet un des plus gros prestataires de service d'Uber à qui il fournit près de 200 chauffeurs. «Jusqu'à présent, cette association était dans la poche d'Uber», constate le député PS de Côte d'or, Laurent Grandguillaume, auteur d'un projet de loi sur la réglementation de l'activité VTC. «Nous ne faisons pas confiance à AMT, même s'ils semblent vouloir prendre leurs distances avec Uber», renchérit l'un des dirigeants de l'association professionnelle de chauffeurs Capa VTC, Helmi Mamlouk. Elle prône une plateforme indépendante sur le même modèle qu'Alpha-taxis, détenue et gérée par les chauffeurs eux-mêmes.

Echapper à l’emprise d’Uber

De fait, d'autres initiatives, fondées dans un même but – échapper à l'emprise d'Uber – sont en gestation. «Il y a une vingtaine de projets, sous forme de société coopérative ouvrière (SCOP) ou encore de groupement d'intérêt économique (GIE), à Toulouse, Lille ou encore Strasbourg. Mais, tous vont se casser la figure si l'on n'arrive pas à les fédérer», prédit le président du syndicat UNSA-VTC, Sayah Baaroun. «L'Etat doit nous aider à créer cette application de base, sur laquelle viendront se greffer des initiatives qui émaneront parfois de quelques dizaines de chauffeurs seulement, désireux de se rassembler», poursuit-il. «Nous leur souhaitons bonne chance. Une application de ce type, ce n'est pas uniquement de la géolocalisation pour mettre en contact une offre et un client», réagit le porte-parole d'Uber France, Grégoire Kopp.

Quoi qu'il en soit, les chauffeurs semblent déterminés à contourner Uber en proposant une offre alternative. «Leur volonté d'être plus indépendants monte en puissance. Aux Etats-Unis, des coopératives de chauffeurs se sont déjà créées. Nous entrons dans l'ère post-ubérisation», veut croire le député Laurent Grandguillaume. En la matière, le désir d'émancipation ne rencontre cependant pas systématiquement le succès. Dans le monde de l'hôtellerie, une initiative similaire a été lancée pour contourner la mainmise du site de réservation Booking.com et ses 17 à 22% de commission, prélevés sur le prix d'une chambre. Le site Fairbooking.com créé et lancé par des hôteliers français n'affiche, pour le moment, qu'une audience très limitée.

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