8,5 millions d'hypocondriaques
Plus d'un Français sur dix, soit 13 % selon une étude dévoilée aujourd'hui, développe une peur irraisonnée d'être atteint par une maladie, alors qu'il n'en a aucun symptôme. Ã?a se soigne ?

Un trou de mémoire ? Sans doute un Alzheimer précoce. Des fourmis dans le bras gauche ? C'est, sûrement, un infarctus. Un point de côté ? Un cancer du foie qui s'annonce... C'est le paradoxe. A force de vous croire malade en permanence, vous avez réussi à développer une vraie maladie : l'hypocondrie. Un mal qui est au coeur de « Supercondriaque », la nouvelle comédie de Dany Boon qui y tient le rôle principal et qui sortira en salles, mercredi (lire aussi p. 38). Si cette obsession prête parfois à sourire, elle n'en demeure pas moins une souffrance pour les intéressés. Une étude Ifop-Capital Image, révélée aujourd'hui, montre que l'hypocondrie concerne 13 % de la population. Peut-on s'en défaire ?
Une extrême anxiété . « L'hypocondrie est une pathologie, insiste le professeur Jean-Pierre Olié, psychiatre et membre de l'Académie de médecine. Il en existe deux types. L'hypocondrie délirante, une forme grave mais rare, qui représente moins de 1 % des cas. La personne est alors intimement convaincue qu'elle a le sida, un cancer, quoi qu'en disent les examens médicaux. Ce sont des malades mentaux, potentiellement dangereux parce qu'ils peuvent en vouloir à leur médecin et être agressifs. » L'immense majorité des autres hypocondriaques sont des sujets qui n'arrivent pas durablement à se rassurer sur leur état de santé, malgré le diagnostic sécurisant d'un médecin. C'est une forme extrême d'anxiété.
Maladie médiatisée, maladie redoutée . L'hypocondriaque est facile à reconnaître : c'est celui qui scrute les moindres manifestations de son corps et les interprète comme des symptômes. Ses craintes peuvent se porter sur un organe, par exemple le cerveau, ou sur une fonction, comme l'appareil digestif. Elles peuvent aussi survenir lorsque des maladies font l'objet d'une couverture médiatique exceptionnelle comme le cancer, lors de l'annonce du plan Cancer, le sida, pendant le Sidaction, la grippe au moment de son pic épidémique. Selon l'étude, réalisée auprès d'un échantillon de 1 017 personnes en juillet 2013, cette médiatisation peut déclencher une panique pour 48 % des hypocondriaques.
Ne pas cautionner, ni ridiculiser. « L'entourage ne doit pas dire aux hypocondriaques : Mais non, tu n'as rien ! conseille Michèle Declerck, psychologue. L'hypocondrie est une vraie maladie psychique. Il faut donc les aider à comprendre que ce ne sont pas les médecins du corps qui pourront les aider, mais plutôt les psys. Cette anxiété peut d'ailleurs avoir des conséquences physiques : une raideur dans une jambe, des crampes d'estomac, des insomnies... C'est pour cette raison que je ne suis pas d'accord avec l'idée que l'hypocondriaque n'a pas de symptôme. Il a toujours un petit quelque chose. »
Faire diminuer son stress . Pour aller mieux, le professeur Olié conseille également les techniques psychothérapiques, comme la relaxation ou la méditation, voire la thérapie cognitivo-comportementale qui vise à remplacer les idées négatives par des pensées en adéquation avec la réalité. « Améliorer son hygiène de vie, en faisant du sport par exemple, peut aussi aider à diminuer son stress. Ne nous interdisons aucune stratégie et, quand le niveau d'anxiété est trop élevé, faites-vous aider par votre médecin. »