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Audiovisuel

Pornocratie, le documentaire d’Ovidie qui démonte l’industrie du X

Pornocratie, le documentaire d'Ovidie sur les dessous de l'industrie du porno à l'heure des tubes est diffusé ce 18 janvier au soir sur Canal+. Entre curiosité et choc, il vaut le détour malgré quelques imperfections.

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Ovidie, ex actrice et réalisatrice porno passée au documentaire. Copyright Stéphane Granger/ CANAL+

Ovidie, ex actrice et réalisatrice porno, démonte l'industrie du X dans un documentaire. 

Copyright Stéphane Granger/ CANAL+

Les tubes ont tué le porno de qualité et précarisé durablement les actrices. Voilà en bref la thèse de Pornocratie, film documentaire diffusé sur Canal+ ce mercredi 18 janvier à 21 heures. Aux manettes, Ovidie, ex actrice et réalisatrice de films pour adultes pendant 17 ans, devenue très critique sur le milieu dont elle est issue.

Elle entreprend une tâche périlleuse: nous expliquer comment le porno est fabriqué à l’heure des « tubes », c’est-à-dire ces gigantesques plateformes (Youporn, Pornhub, Xvideos, etc) qui distillent gratuitement des vidéos professionnelles ou faussement amatrices. Avec tous la même recette, des formats courts répertoriés par des mots-clefs ou "tags" qui correspondent aux pratiques recherchées ou aux stéréotypes féminins – très caricaturaux, parfois avilissants – appréciés. Ils représentent aujourd’hui 95% de la consommation de films pour adultes.

Oubliée l’époque des stars du X célèbres et grassement rémunérées, celle de Brigitte Lahaie ou plus proche des débuts de Clara Morgane. La production montrée dans Pornocratie n’a plus rien de glamour. L'Ovidie enquêtrice se rend d’abord en Bulgarie, haut-lieu de tournage où des réalisateurs, autrefois aisés, filment des scènes avec de petites caméras au poing, montent et réalisent du début jusqu’à la fin par souci d’économies. Ici les actrices, toutes originaires des pays de l’Est, acceptent des pratiques de plus en plus osées pour des salaires cassés.

Un business cassé par la piraterie et la gratuité

Pour Ovidie, la faute revient d’abord à la piraterie et la gratuité des contenus qui ont enclenché une destruction de la valeur des productions. La quantité des vidéos tournées ou regardées a modifié profondément ce business, comme celui de la presse ou de la musique à une époque à l'heure d'Internet.

« A partir de cette époque (le milieu des années 2000), les cadences ont augmenté, on se levait à 6 heures du matin pour finir parfois à 2 heures du matin. On était des machines capitalistes », témoigne Stoya, une performeuse américaine qui jouit d’une petite notoriété. « Nos virements venaient d’Afrique du Sud, d’Irlande, les producteurs qu’on rencontrait avaient de faux accents grecs. Rien n’avait de sens ».

Surtout, Ovidie tente de décrire « la pieuvre » qui détient le quasi-monopole de cette industrie, une multinationale peu connue du grand public et dirigée par une poignée de geeks. En 2006, un certain J-T crée YouPorn, qui devient bientôt le 26ème site le plus visité au monde. Il est racheté par Fabien Thylmann, un informaticien allemand stratège qui avale aussi des studios de production américains et transforme le groupe en Manwin, la première multinationale du X… Avant d’être arrêté pour fraude fiscale en 2012. Le groupe mute ensuite en Mindgeek, société basée au Luxembourg, dont l’activité principale est de vendre du trafic web à d’autres sociétés du même groupe basées dans d’autres pays. Les trois plus grosses sociétés mondiales sont « hébergées dans des paradis fiscaux », raconte Grégory Dorcel, patron de la boite de production française du même nom.

De là, il n’y a qu’un pas pour qu’Ovidie évoque la piste du « blanchiment d’argent ». Mais faute d’avoir pu récupérer la bonne documentation ou retracer les montages fiscaux avec précision, sa thèse pèche par manque de preuves. Elle évoque simplement une petite condamnation à Atlanta visant les dirigeants et qui n’a pas eu de suite.

La croisade d’Ovidie est de montrer l’envers du décor, ses côtés les plus trashs, dans l’espoir de changer le regard des consommateurs et d’améliorer les conditions de production et de travail de toute la chaîne. Surtout des actrices qu’elle décrit comme des « proies ». Son parti pris est très clair, choc, noir. Elle l'incarne en se mettant elle-même en scène, la mine triste et exaspérée. Le documentaire qui en ressort est fort et rythmé, efficace pour toucher le spectateur. Il manque cependant de nuances: les tubes sont accusés de tous les maux. La réalisatrice n’évoque pas l’inertie des boites de production, leur incapacité à se réinventer, à innover dans les scénarios ou les modes de financement, ni à utiliser les fâcheux tubes pour conquérir de nouveaux clients. Première étape pour comprendre ce secteur économique, Pornocratie ressemble à une goutte d’eau dans un océan. Une petite goutte d’eau face à la pieuvre qu’elle est sensée affronter.

Pornocratie, réalisé par Ovidie et produit par Magnéto presse, mercredi 18 janvier à 21h sur Canal+, 90 minutes. Déconseillé aux moins de 16 ans.

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