Autobiographie de Bertrand Russell : épisode • 2/4 du podcast Les philosophes par eux-mêmes

Bertrand Russell ©AFP - ANN RONAN PICTURE LIBRARY / PHOTO12
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Le Fabuleux destin de Bertrand Russell, présenté aujourd'hui par Anne-Françoise Schmid.

Avec
  • Anne-Françoise Schmid Philosophe, enseignant-chercheur en épistémologie à l'INSA de Lyon, membre du laboratoire de philosophie et d'histoire des sciences-Archives Poincaré, UMR 7117 du CNRS, Université de Nancy 2

"Trois passions ont commandé ma vie : le besoin d'aimer, la soif de connaître, le sentiment presque intolérable des souffrances du genre humain. Plongez aujourd'hui dans l'intense vie de Bertrand Russell : lui qui est allé deux fois en prison, qui a rencontré Lénine et Trotsky, qui a fondé le tribunal Russell, qui s'est marié quatre fois ; lui qui est considéré comme le fondateur de la logique contemporaine.

Le texte du jour

« Trois passions, simples mais irrésistibles, ont commandé ma vie : le besoin d’aimer, la soif de connaître, le sentiment presque intolérable des souffrances du genre humain. Ces passions comme de grands vents m’ont poussé à la dérive, de-ci de-là, sur un océan d’inquiétude, où je me suis parfois trouvé aux bords même du désespoir.

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J’ai cherché l’amour, d’abord parce qu’il est extase – extase si puissante que, plus d’une fois, pour en jouir seulement quelques heures j’aurais volontiers sacrifié le reste de mon existence. Je l’ai cherché, en second lieu, parce qu’il nous délivre de la solitude, de cette affreuse solitude qui amène notre conscience à se pencher en frissonnant sur l’abîme insondable et glacé du non-être. Je l’ai cherché, enfin, parce que j’ai vu dans l’union amoureuse comme une préfiguration mystique du ciel, tel que l’ont rêvé les saints et les poètes. Voilà ce que j’ai cherché et – bien qu’un tel bienfait semble hors de notre atteinte – ce que j’ai fini par trouver.

Non moins passionnément j’ai aspiré à la connaissance. J’ai voulu comprendre les cœurs humains. J’ai voulu savoir ce qui fait briller les étoiles. J’ai tenté de capter la vertu pythagoricienne qui maintient au-dessus de l’universel devenir le pouvoir des nombres. De ces ambitions, j’ai réalisé une petite, une toute petite partie.

L’amour et le savoir, pour autant qu’ils m’étaient accessibles, m’élevaient au-dessus de la terre. Mais toujours m’y a ramené la pitié. Les cris de douleurs se répercutaient au plus profond de moi. Enfants affamés, victimes et oppresseurs et des tortionnaires, vieillards sans défense devenus pour leurs enfants un odieux fardeau – tout un monde de douleur, de misère et de solitude bafoue la vie telle qu’elle devrait être. Quand je voudrais tant remédier au mal, je ne peux qu’en souffrir moi-même.

Telle a été ma vie. Elle m’a semblé digne d’être vécue, et je la revivrais volontiers si la chance m’en était offerte. »

Bertrand Russell, Autobiographie (les Belles lettres, 2012) p.9

Extraits

- Archive Bertrand Russell « Face to face », BBC, 1959

- Archive Bertrand Russell « Inter actualités, 09/02/1961

Lectures

- Bertrand Russell, Autobiographie (les Belles lettres, 2012) p.9

- Bertrand Russell, Autobiographie (les Belles lettres, 2012) p.187

Références musicales

- The Beatles, In my life

- Alwyn, Suite of scottish dances

Anne-Françoise Schmid
Anne-Françoise Schmid
© Radio France - MC

Evénement

Les régimes d’invention et de fiction en philosophie, quelques hypothèses

Conférence Anne-Françoise Schmid, philosophe à MINES ParisTech, chaire TMCI le 7 février 2017 en salle V115-V116 à MINES ParisTech de 18h30 à 20h30

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