Vague de froid Des cultures maraîchères sous dépendance

Si les éleveurs et l’ensemble des entreprises ont pris leurs précautions à l’annonce de la vague de froid, les maraîchers sont, eux, totalement dépendants des conditions météorologiques. Rencontre sur le marché de Riedisheim et en plein champ avec Jean-Luc Goepfert, agriculteur à Schlierbach, au sud de l’agglomération mulhousienne.
Laurent Bodin - 19 janv. 2017 à 05:00 | mis à jour le 19 janv. 2017 à 08:47 - Temps de lecture :
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Jean-Luc Goepfert, maraîcher à Schlierbach, dans un champ hier après-midi : la récolte de poireaux n’est pour l’heure plus possible en raison du gel et des températures trop basses.Photo  L’Alsace/
Jean-Luc Goepfert, maraîcher à Schlierbach, dans un champ hier après-midi : la récolte de poireaux n’est pour l’heure plus possible en raison du gel et des températures trop basses.Photo L’Alsace/

En ce mercredi matin, sur le marché de Riedisheim, les fidèles sont au rendez-vous, mais les clients occasionnels ont préféré rester au chaud, chez eux. Jean-Luc Goepfert, maraîcher à Schlierbach, est évidemment présent, pas très loin de l’indispensable chauffage d’appoint installé à l’intérieur de son stand. « Il y a beaucoup moins de monde… Mais ce sont ceux qui viennent toute l’année qui nous font vivre. Dans les champs aussi, il fait froid ! Lundi après-midi, nous avons pu récolter poireaux et choux de Bruxelles. Mais mardi, ce n’était plus possible à cause du gel » , indique l’agriculteur.

À une quarantaine de mètres, Djahid, vendeur des primeurs Ponton d’Issenheim, a totalement fermé son stand avec de grandes bâches. Quatre chauffages d’appoint fonctionnent au maximum. « Le but est de protéger du froid mes clients et mes produits » , précise Djahid, qui passe quasiment deux heures tous les jours, en cette période de froid, à tout installer : « D’abord, il s’agit de tout calfeutrer et d’empêcher le vent de s’engouffrer. Ensuite, on peut installer la marchandise… Tout doit être nickel ! Nous n’avons plus rien dans nos champs actuellement et on ne fait que de la revente. Mais mes produits sont de qualité. Les citrons de Menton ou les oranges de Nice, on ne peut pas les laisser comme ça, en plein froid… »

« Il faut qu’on aime notre métier… »

Plus tard dans l’après-midi, Jean-Luc Goepfert n’a pas encore déjeuné qu’il a droit à une visite d’inspection des extincteurs dans l’exploitation de Schlierbach. « La paperasserie tue l’agriculture ! » , glisse-t-il. Enfin, après un déjeuner chaud expédié sur les coups de… 15 h 20, il peut entamer sa deuxième journée. Tandis que son père, Roger, 83 ans, nettoie les poireaux dans une grange, Jean-Luc s’en va ramasser des choux de Bruxelles, malgré une température extérieure de -1 °C et une bise à glacer le sang. « Il faut qu’on aime notre métier pour faire ça par ce froid, non ? » , sourit Jean-Luc.

Dans les champs, il reste des choux de Bruxelles, des choux frisés, des poireaux… Sous serre, le Gaec Goepfert, qui compte deux salariés, sans compter des saisonniers, dispose encore de mâche. « Les carottes d’Alsace, il n’y en a plus depuis la période de froid qui a précédé Noël. Tout va maintenant dépendre des températures. Sous l’effet du froid, les légumes vont se recroqueviller. Si cela ne dure pas trop longtemps, on pourra reprendre les récoltes des légumes de saison. C’est connu : le chou de Bruxelles, pour être digeste, a besoin qu’une gelée lui soit passée dessus. En fonction de l’exposition géographique des cultures, on récolte ce qui n’est pas gelé » , souligne Jean-Luc.

« La neige, c’est le fumier du pauvre et un excellent isolant ! »

Sous l’effet du gel, les feuilles des poireaux blanchissent, les choux frisés se recroquevillent. « Il y a aussi une sélection naturelle : certains ne vont pas résister quand, au contraire, d’autres vont rester intacts. » Plus qu’un froid trop intense, la neige est meilleure pour les légumes encore dans les champs. « La neige protège les cultures. C’est le fumier du pauvre et surtout, un excellent isolant ! » , résume le cultivateur de Schlierbach qui, une fois qu’une parcelle de poireaux est récoltée, laboure le terrain dans la foulée. « La terre est une matière vivante. Il faut laisser faire la nature, mais labourer lui fait du bien. C’est une respiration naturelle. »

Au total, le Gaec Goepfert cultive 6 ha de pommes de terre, le double pour les légumes, 6 ha de blé et 20 ha de maïs. Ses légumes, Jean-Luc les vend sur les marchés, mais aussi, l’hiver, à l’Hyper U de Sierentz. Et il organise un marché de la ferme, le jeudi soir. « Ça marche bien car c’est du local. Il y a notamment un public jeune et ça, c’est pour moi une surprise. Les marchés, c’est plus compliqué, d’autant que les gens ont de plus en plus de mal à stationner près d’eux. C’est sûr qu’en périphérie, là où sont les supermarchés, c’est facile » , regrette Jean-Luc Goepfert, qui compte aussi quatre porcs et nombre de lapins. Lesquels vivent sur la paille et disposent de foin tandis que les cochons sont engraissés avec les restes d’une nourriture de qualité. Pour vivre, Jean-Luc Goepfert fait par ailleurs de la revente. « Les fruits et légumes qui viennent d’ail-leurs sont rares et chers car les conditions météo ont partout été mauvai-ses » , résume-t-il. Mais ce qui lui plaît avant tout, c’est de vendre sa production de légumes ramassées des heures durant par une température négative. C’est à ces choses-là que l’on constate un attachement à la terre.