La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a une nouvelle fois condamné ce jeudi la France pour avoir refusé de transcrire les actes de naissance d'enfants nés d'une gestation pour autrui (GPA) à l'étranger.

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La haute juridiction européenne confirme ainsi sa jurisprudence, formulée dans des condamnations de la France en juin 2014 pour deux affaires similaires, puis en juillet 2016 pour deux autres cas. Dès juin 2014, la CEDH avait estimé que la France pouvait interdire la GPA sur son territoire, mais qu'elle ne pouvait refuser de reconnaître les enfants nés d'une mère porteuse à l'étranger, au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant.

Des jumeaux nés en novembre 2010

Dans le cas tranché jeudi, le couple qui avait saisi la Cour s'était rendu en Ukraine, à Kharkiv, où il est soupçonné d'avoir eu recours à une mère porteuse. Des jumeaux étaient nés en novembre 2010.

Lorsque le couple avait demandé à l'ambassade de France en Ukraine une transcription des actes de naissance, il s'était heurté à l'opposition du procureur de la République de Nantes, qui relevait des indices sérieux de GPA, interdite en France.

Cinquième condamnation

La transcription des actes de naissance d'enfants français nés à l'étranger étant de la compétence du service central d'état civil, installé à Nantes, le parquet de Nantes est chargé du contrôle de ces demandes de transcription. Comme dans les affaires précédentes, la CEDH a estimé que la France avait violé dans cette affaire le droit au respect de la vie privée des enfants.

"C'est la cinquième fois que la France est condamnée parce qu'elle refuse d'appliquer la jurisprudence définie par la CEDH. C'est une marque d'opprobre pour la France, qui incarne les droits de l'Homme, et une victoire juridique", s'est réjouie l'avocate du couple, Me Caroline Mecary.

"La deuxième partie du combat consistera à obtenir la transcription in concreto des actes de naissance, parce que le parquet de Nantes continue à faire de la résistance", a-t-elle ajouté, expliquant avoir déjà saisi le comité des ministres chargé du suivi de l'exécution des arrêts de la CEDH pour faire appliquer les arrêts de juillet 2016.

La question du "parent d'intention"

La CEDH note toutefois dans son arrêt le "revirement de jurisprudence" opéré en France en juillet 2015, quand la Cour de cassation a validé l'inscription à l'état civil de deux enfants nés par GPA en Russie. La Cour de cassation avait estimé que ces actes correspondaient à la réalité puisqu'ils mentionnaient les noms de la mère russe et du père français des enfants, mais elle avait néanmoins pris soin de ne pas se prononcer sur la question "du parent d'intention", celui qui élève l'enfant sans avoir de lien biologique avec lui.

Jeudi, la CEDH a souligné que les deux enfants nés en Ukraine avaient désormais "la possibilité d'établir leur lien de filiation", par exemple via une reconnaissance de paternité, mais que le droit français avait fait obstacle pendant plus de quatre ans à cette reconnaissance. La GPA est prohibée en France, avec des peines pouvant aller jusqu'à deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.

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