Le 19 février 2014, place Maïdan à Kiev, le photographe Jérôme Sessini est le témoin direct des tirs à balles réelles contre les manifestants qui feront au final plus de 100 morts et 500 blessés. Il a pu filmer au plus près la réalité et la brutalité des affrontements.
Publié le 21 février 2014 à 19h40
Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h10
Jérôme Sessini est photographe à l'agence Magnum. Né en 1968, il a couvert les conflits au Kosovo, au Liban, en Irak ou en Libye. Ce mercredi 19 février, il se rend vers 8h30 du matin sur la place Maïdan, épicentre de la contestation ukrainienne avec Eric Bouvet, un autre photographe français. En arrivant sur place, il s'aperçoit que les barricades de la veille ont été repoussées pendant la nuit. Il remonte alors l'avenue Instytutska vers la première ligne que les manifestants essaient de reconstituer. L'ambiance est calme. Aucun tir. Après cinq cents mètres, il croise deux blessés évacués sur des brancards.
Il est 9 h. Voilà la dernière barricade et la première ligne. De l'autre côté de la rue, des manifestants se cachent derrière des arbres ou se protègent derrière des boucliers en inox ou en fonte. Jérôme Sessini traverse la rue et se place derrière le groupe de manifestants. Trois corps gisent dans une mare de sang, mais le photographe de Magnum ne comprend pas encore ce qu'il est en train de se passer : « Je pensais qu'ils tiraient avec des balles en plastique ou en caoutchouc. C'est seulement quand j'ai entendu les coups de feu que j'ai reconnu le bruit des balles réelles, des tirs kalachnikov ». Jérôme Sessini se met à filmer la scène et voici les images qu'il a pu recueillir.
AVERTISSEMENT : CETTE VIDEO CONTIENT DES IMAGES CHOQUANTES
Deux immeubles surplombent la rue. Cachés dans les étages, des snipers se mettent à tirer sans discontinuer sur les manifestants. Habitué au mouvement de panique des foules devant des tirs, le photographe est frappé par le calme des « manifestants », qui ne reculent pas : « Je pense qu'ils restaient là pour résister, montrer leur détermination, mais en même temps, ils n'avaient pas le choix, c'était très dangereux de reculer sous le feu des snipers ».
Difficile de déterminer si les manifestants qui entourent les deux photographes français sont des « durs » du mouvement ultra-nationaliste ukrainien ou simplement des manifestants comme les autres, venus de toutes les couches de la société civile. Mais pour Jérôme Sessini, « rien ne permettait ne les distinguer des autres manifestants. Or, normalement, les ultra-nationalistes ont des drapeaux noir et rouge ; là, ils n'avaient rien et ils n'étaient pas armés ».
Pendant deux heures, les photographes et les manifestants restent sous les tirs des tireurs d'élite de Viktor Ianoukovitch : « Un tir aux pigeons », dit le photographe. Au loin, ils aperçoivent des véhicules de transports de troupe blindés de l'armée ukrainienne. Impossible de savoir ce qu'il est advenu des hommes blessés que Jérôme Sessini a filmés. « Je sais que le brancardier a été touché à la poitrine, mais ses camarades l'ont trainés pour l'évacuer, je n'en sais pas plus. » Plus de cent personnes ont été tuées cette semaine autour de la Place Maïdan et cinq cents autres blessées par balles.
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