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Ce coup de froid qui échauffe les médias

Pourquoi les médias ont-ils fait de l’arrivée de l’hiver une telle surenchère médiatique ? Parce qu’ils ne parviennent plus à échapper aux travers de l’information «  concernante »  et de proximité.

Par Roger-Pol Droit

Publié le 19 janv. 2017 à 15:45

L’actualité est particulièrement chargée. Donald Trump entre en fonction et déclenchera dès demain un train de mesures important  ; le Brexit « dur » vient de s’enclencher ; en France les primaires de la gauche se poursuivent et la campagne présidentielle monte en puissance. Pourtant, quantité de gros titres, dans la presse, sont obnubilés par… de petits flocons. La météo submerge les antennes, à grand renfort de reportages sur les chasse-neige, d’« immersions » dans des dortoirs improvisés, de grands entretiens avec des responsables du salage d’autoroutes. Voilà la vraie, la grande nouvelle : nous sommes en hiver ! Du coup, pour quelques jours, une partie du pays se retrouve sous la neige. Sans nier que ce soit gênant, il est difficile d’y voir un scoop. Pas nécessaire d’être historien pour savoir qu’on a vu souvent, en France, du verglas en janvier… Alors, comment se fait-il que ce coup de froid occupe soudain, dans les médias, une place pareille ? L’hiver médiatisé n’est pas une saison, c’est un symptôme. Mais de quoi ?

Des travers d’une information « concernante » et de proximité. Si l’actualité n’est plus « ce qui se passe dans le monde » mais « ce qui nous arrive dans notre quartier », alors cet homme qui déneige son trottoir, cet autre qui galère pour fixer des chaînes à ses pneus, cette dame d’un certain âge fière d’avoir fixé des crampons à ses chaussures pour ne pas glisser… tous doivent devenir les héros du jour. Ils vivent enfin leur légitime minute de célébrité, porte-parole de tous ceux qui ont le froid sous les pieds, la neige sur le toit. L’écran des infos, au lieu d’être une fenêtre s’ouvrant sur le monde, se transforme en miroir qui reflète seulement le village.

Avec, quand même, quelques déformations. Parce qu’en réalité, au café du coin, même dans les hameaux enneigés, personne ne fait pas toute une histoire des conditions météo. Bien sûr, l’hiver alimente les conversations, mais tout le monde reconnaît que c’est banal, normal, et qu’il n’y a rien à signaler. Au contraire, pour transformer l’hiver en pseudo-information, il faut dramatiser, scénariser, esquisser la catastrophe. En filigrane, on devine le goût de l’époque pour les apocalypses et les récits menaçants. D’un pauvre gel de janvier suinte bientôt une terreur sourde. La météo a un avant-goût de risque majeur. Elle est parcourue d’un frémissement de cataclysme, ponctuée d’alertes, de vigilances, de mises en garde. Sans doute les pouvoirs publics poussent-ils eux aussi à la roue, préférant de ne pas courir le risque d’en faire trop à celui de se voir reprocher leur imprévoyance.

Est-ce seulement pour ces motifs que le passage du froid, au lieu d’être mentionné en petit dans un coin, arrive en tête ? Non, car la sensibilité collective, elle aussi, a changé. En devenant plus complexe, notre société est devenue plus fragile. Quelques degrés de moins, quelques congères de plus perturbent transports, flux commerciaux, approvisionnements, et donc chaînes de production. Cette vulnérabilité plus grande de l’activité aux aléas des saisons s’accompagne, dans la population, d’une sensibilité nouvelle. Les Français, naguère, étaient aguerris : le verglas les laissait de glace, si l’on peut dire. Aujourd’hui, ils semblent devenus frileux et hypersensibles. Blizzard ou canicule déclenchent, au quart de tour, une hystérie particulière.

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Ainsi, tout irait normalement entre 10 et 20 degrés Celsius, mais l’humeur collective commencerait à se détériorer quand le thermomètre descend très en-dessous ou grimpe très au-dessus. Ce n’est pas fréquent, il est vrai. C’est pourquoi beaucoup répètent en ce moment : « Il y a quand même cinq ans qu’il n’a pas fait si froid ! » En fait, ce nouvel argument a de quoi inquiéter. Cinq ans, et plus personne ne se souviendrait du gel ? Ni des pluies verglaçantes ? Faudrait-il proclamer un nouveau « devoir de mémoire » ? Doit-on diagnostiquer un Alzheimer-météo-national ? Il y a de quoi se perdre en conjectures…

Dernière hypothèse à envisager : le refroidissement ne cadre plus avec nos attentes. On nous a tellement répété, de COP 21 en rapports du GIEC : « la planète s’échauffe, les canicules se multiplient, les banquises fondent, les glaciers disparaissent »… Le froid n’entre plus aisément dans nos cartes mentales. Il perturbe, à sa façon, les schémas récemment acquis. Et pourtant il neige et il gèle. Le réchauffement climatique serait-il une illusion ? Une erreur ? Un échec ? Imaginons une seconde qu’une de ces possibilités soit brusquement avérée. Là, ce serait une information majeure.

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