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Ça se passe en Europe : le Danemark interdit le mariage de mineurs

Le gouvernement danois espère ainsi lutter contre les unions forcées, alors que des demandeurs d’asile arrivent avec de très jeunes épouses.

Par Antoine Jacob

Publié le 20 janv. 2017 à 06:39

Il aura suffi d’une vingtaine de réfugiées mineures arrivées au Danemark avec leurs époux pour remettre en cause une pratique séculaire.

Exit la « lettre du roi » (kongebrev), la dispense initialement accordée par les monarques danois permettant à leurs sujets de convoler avec de jeunes filles. La première loi danoise sur le sujet, adoptée en 1683, fixait le seuil toléré à seize ans. Cette faveur était loin d’être la règle et de moins en moins de cas se présentaient aux municipalités danoises qui, entre-temps, ont suppléé le roi. Durant la période 2005-2015, six permissions ont été accordées par an, en moyenne, à des mineures âgées de 15 à 17 ans souhaitant se marier avec l’assentiment de leurs parents (voire, dans certains cas, sans l’accord parental). Mais avec le vote du Parlement entériné jeudi, cette possibilité d’exemption disparaît.

21.000 demandes d’asile en 2015

La libérale Karen Ellemann, alors ministre de l’Intérieur et des Affaires sociales, prend conscience du « problème » en 2015, avec l’arrivée dans des centres d’accueil pour réfugiés de mineures déjà mariées. On en dénombre alors près de trente, réparties dans divers centres, dont deux n’ont alors que quatorze ans (l’une d’elle est enceinte). Cette année-là, le royaume scandinave enregistre quelque 21.000 demandes d’asile en provenance de Syrie, d’Irak et d’ailleurs. Un nombre record pour ce pays de 5,6 millions d’habitants. Les médias évoquent le cas de ces mineures. Des responsables politiques prennent le relais et s’émeuvent de leur sort. Une députée social-démocrate parle de « pédophilie ». La ministre de l’Intégration, la libérale Inger Støjberg, décide de séparer ces mineures de leurs maris et les placer dans d’autres centres d’accueil. Un couple syrien – elle a dix-sept ans et est enceinte, il en a vingt-six – porte plainte et obtient gain de cause en septembre dernier. Les couples sont réunifiés.

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Karen Ellemann décide toutefois d’aller de l’avant dans son projet d’amendement législatif, en vue d’interdire le mariage de mineurs sur le territoire danois. Et de ne pas valider un tel mariage ayant été contracté à l’étranger par un couple résidant dans le royaume ou souhaitant y résider. « On ne doit pas se marier lorsqu’on est mineur, parce que le mariage n’est pas pour les enfants, et cela doit être rappelé aux pays qui l’autorisent », déclare alors Karen Ellemann. « Même si l’amendement législatif ne concerne qu’un petit nombre de personnes, il existe un groupe de jeunes filles que nous pouvons sauver d’un éventuel mariage forcé », lance-t-elle, avant de changer de portefeuille dans le cadre d’un remaniement ministériel intervenu en novembre dernier.

L’affaire aura été rondement menée, et sans grand débat public. Jeudi, le parlement danois a adopté ce projet à une large majorité (85 voix pour, 21 contre). L’amendement entrera en vigueur dès le 1er février. Jusqu’à présent, la loi danoise était moins stricte sur la question. Certes, la règle générale voulait qu’un mariage ne soit contracté que par des personnes majeures. Mais la participation d’une mineure était tolérée, à la faveur de la fameuse « lettre du roi ».

Relative indifférence médiatique

La nouveauté législative n’en a pas moins été contestée – dans une relative indifférence médiatique – par divers responsables. Tel cet imam officiant dans une mosquée de la ville danoise d’Aarhus, pour lequel le mariage d’une mineure peut être bénéfique à sa sécurité. « La violence et l’insécurité sont des problèmes fréquents dans les camps pour réfugiés », a-t-il objecté l’an dernier. L’avis de cet imam, Oussama el-Saadi, n’a pas pesé lourd dans le débat, celui-ci s’étant discrédité aux yeux de l’opinion publique danoise en souhaitant (en 2015) l’établissement d’« un Etat islamique dans le monde ».

L’organisme public chargé de la défense des droits des enfants estime, pour sa part, qu’il n’était pas nécessaire de changer la loi. « En supprimant la possibilité pour les autorités d’accorder une dispense, on leur enlève la possibilité d’évaluer concrètement, et au cas par cas, ce qui est dans l’intérêt de la personne mineure », expliquait cet organisme, le Conseil de l’enfant, dans une lettre envoyée au gouvernement. Au nom de l’opposition centriste, Marianne Jelved a tenté d’argumenter : « Pourquoi donc s’opposer à des parents d’accord pour que leur fille de dix-sept ans se marie avec son petit ami de 20 ans avec lequel elle attend un bébé ? ». Ce à quoi un député du Parti du peuple danois (populiste de droite), favorable à l’interdiction du mariage aux mineurs, a rétorqué que, de nos jours, « il n’est plus honteux d’avoir un enfant en dehors du mariage ».

@jacob_nordic

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