Quand un prof d'université banalise les violences faites aux femmes

"Les femmes, il faut taper dessus deux fois pour qu'elles comprennent", a lancé un professeur de droit devant 400 étudiants de l'université de Lille-2.

Par 6Medias

Le professeur mis en cause a accusé ses élèves
Le professeur mis en cause a accusé ses élèves "de ne pas comprendre son humour". © RIA Novosti

Temps de lecture : 4 min

Tout serait parti d'un banal problème de micro. Mardi 17 janvier, un professeur de droit de l'université de Lille-2, qui donnait un cours à 400 étudiants de première année en sciences politiques, a tenu des propos qui ont provoqué la colère des élèves et l'indignation de sa faculté, révèle La Voix du Nord. D'après un étudiant qui a assisté au cours, et qui a relayé la scène sur son compte Twitter, l'enseignant-chercheur ne serait pas parvenu à faire fonctionner le micro de l'amphithéâtre. Agacé par la situation, et avec plusieurs centaines d'étudiants pour témoins, il aurait alors dit : « C'est comme les femmes, il faut taper dessus deux fois pour qu'elles comprennent. »

Le point du soir

Tous les soirs à partir de 18h

Recevez l’information analysée et décryptée par la rédaction du Point.

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

Des propos qui relèvent de l'appel à la violence et tombent sous le coup de la loi. Plusieurs étudiants ont quitté l'amphithéâtre, scandalisés. « Indignés et totalement choqués, mon ami et moi avons décidé de (partir) après moins de 3 minutes de cours », témoigne le même étudiant sur Twitter. D'après le quotidien régional La Voix du Nord, une autre partie des étudiants aurait « rigolé et applaudi » la sortie du professeur.


Procédure disciplinaire

Le lendemain, l'Unef de la faculté de Lille a publié un communiqué sur sa page Facebook pour dénoncer ces propos, « qui banalisent les violences faites aux femmes », juge le syndicat étudiant. « Chaque année, ce sont 164 000 femmes qui subissent des violences conjugales et une femme qui meurt de ces violences tous les trois jours », rappelle l'Unef. Le syndicat a aussitôt appelé la direction de l'université à condamner ces déclarations et à « prendre rapidement des mesures contre les propos et les actes sexistes ».

La direction de Lille-2 a réagi en présentant ses excuses aux étudiants et au personnel de l'université. « De tels comportements ne peuvent qu'entraîner une condamnation sans équivoque de la part de la présidence de l'université », écrit-elle. « Les violences faites aux femmes, véritable fléau de notre société, peuvent aussi prendre la forme de telles outrances verbales que rien ne peut excuser, et encore moins lorsqu'elles émanent d'un enseignant universitaire. »


La direction affirme par ailleurs qu' « une procédure disciplinaire sera mise en œuvre de nature à entraîner le prononcé d'une sanction nette ». Le président de l'université, Xavier Vandendriessche, a donné une conférence de presse « organisée en urgence dans les locaux de la fac », précise La Voix du Nord. « Je suis très en colère. Ce qui s'est passé est tout aussi stupide qu'inexcusable », a dénoncé le président. « Je vais saisir la commission de discipline pour qu'elle instruise une enquête », a-t-il annoncé.

Un « trait d'humour »

D'après un témoin présent dans l'amphithéâtre et joint par LCI, plusieurs étudiants ont exigé des explications de la part du professeur sur ses propos à la fin du cours magistral. « Le prof est resté près d'une heure après le cours pour s'expliquer face à quelques élèves qui étaient plutôt choqués. » Le lendemain, le professeur a présenté ses excuses, tout en « accusant les élèves de ne pas comprendre son humour ».

D'ailleurs, certains étudiants ont lancé sur Facebook une page de soutien et une pétition en faveur au professeur en question, révèle La Voix du Nord. Ils jugent que « ce professeur n'est ni machiste ni misogyne, mais simplement maladroit ». À 14 heures samedi, plus de 1 000 personnes avaient déjà signé la pétition. Ils défendent « un bon enseignant qui a fait une blague, certes, malheureuse, mais qui n'avait pas pour but de mettre en cause le combat [contre les violences faites aux femmes, NDLR]. »

Les propos sexistes, voire misogynes ne sont pas rares dans l'enseignement supérieur. Un Tumblr, baptisé « Paye ta fac », en référence au site « Paye ta shnek » créé en 2012, recense les sorties polémiques des enseignants devant leurs étudiants. Le Monde précise qu'il a été créé en décembre 2016 par des étudiants du master 2 stratégies du développement culturel de l'université d'Avignon, dans le but de « récolter des témoignages du sexisme ordinaire dans les universités et grandes écoles françaises ». On peut notamment y lire : « Vous, les filles, à Sciences Po, vous n'êtes là que pour trouver un mari. » Ou encore : « Les filles, de toute façon, vous ne finirez pas votre cursus. Vous allez tomber enceintes avant et laisser tomber vos études par la même occasion. »

Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation
Lire la charte de modération

Commentaires (48)

  • evariste99

    Vous venez de découvrir la définition de l'humour : se moquer de soi-même, en opposition à l'esprit, qui est se moquer des autres.
    Beaucoup trop confondent les deux...

  • Katlyn

    C'est comme ça que ça s'appelle ce genre de personnage dans ma culture — tout simplement celle de gens bien élevés à qui on a appris, tout petits, à respecter les autres, tous les autres. Ce qui inclut de ne jamais pratiquer un humour qui pourrait blesser qui que ce soit. C'est pourquoi j'ai toujours su que l'humour juif ne devait être pratiqué que par les personnes de religion juive, l'humour belge par des Belges, l'humour suisse par les Suisses, etc. Et l'humour sur les femmes, par les femmes. Faire de l'humour sur le dos des autres, c'est tellement facile… et bas. Le type en question, tout professeur d'université qu'il est n'est donc qu'un pauvre type a qui l'on a oublié d'enseigner le basique. Et tout intelligent qu'il peut être ses neurones ne lui ont pas encore permis de rectifier ce genre de travers de sa personnalité… Le pôôôvre…

  • onréfléchit

    Et cela devant 400 étudiants hommes et femmes ?

    Si c'est ça votre critique de la bienpensance, pas de doutes, je suis un bienpensant... Et j'en suis fier !