Leica, ou la revanche du petit prince de l’argentique
Alors que le marché des appareils photo s’effondre, Leica - donné pour mort il y a dix ans - se porte mieux que jamais.
Les constructeurs d’appareils photo font grise mine. Les ventes ne cessent de diminuer. « Il y a cinq ans, l’industrie prévoyait que nous serions aujourd’hui entre 130 et 150 millions d’appareils écoulés. Nous sommes à 45 millions », explique Andreas Kaufmann. Le riche héritier autrichien, qui a sauvé Leica en rachetant l’entreprise au bord du gouffre en 2004, a un petit sourire en désignant du doigt son smartphone posé sur la table. Le coupable, c’est lui.
Pas plus Canon que Nikon ou Panasonic n’avaient anticipé la rapidité avec laquelle l’iPhone et ses concurrents allaient assécher le marché des appareils d’entrée de gamme. Les constructeurs rivalisent depuis pour offrir des produits plus techniques et plus chers.
Pour Leica, resté cramponné tant bien que mal à ses coûteuses mécaniques de précision, ce retournement est savoureux. Le constructeur a eu énormément de mal à passer le cap du numérique. En raison des spécificités techniques de son système de visée télémétrique, Leica n’a proposé son premier boîtier numérique qu’en 2006. Et encore, il a dû faire tellement de compromis que l’accueil fut plutôt mitigé.
Ce n’est qu'en 2009, avec la sortie du M9 que les ventes repartent. Leica, l’inventeur de l’appareil photo moderne et du format 24x36 en 1914, le concepteur des boîtiers fétiches de Cartier-Bresson, Robert Capa ou Alberto Korda, a failli mettre la clef sous la porte. Mais en l’espace de deux ans, les revenus sont multipliés par deux pour avoisiner les 300 millions d’euros.
Ventes d’occasion et réparations
Non seulement l’entreprise n’est pas touchée par la disparition brutale des compacts bon marchés au profit des smartphones, mais elle compte bien en profiter. « Depuis 2006, nous voulons prendre pied sur le marché des smartphones. Nous avons parlé avec tous les constructeurs, à l’exception de Sony », explique Andreas Kaufmann. Et c'est avec le chinois Huawei, actuel n°3 mondial en forte progression, que Leica a signé l'an dernier un contrat pour cinq ans . Celui-ci a déjà permis au modèle P9 de se prévaloir d’une optique imaginée avec le spécialiste allemand.
Le plus inattendu des effets de cette fantastique mue du marché est sans doute le regain d'intérêt pour l'argentique. Pas suffisamment pour que Leica produise davantage que 500 à 1.000 boitîers analogiques par an, mais suffisamment pour dynamiser les ventes d’occasion et les réparations, assurées pour tous les produits sortis des usines de la marque depuis 1925.