Par Guy Sorman, écrivain
En politique, les idées neuves sont rares : pour peu que l’on relise les Anciens, Cicéron ou Polybe, il semble que tout a été dit. Ou presque. Ces temps-ci, le débat démocratique est hanté, à juste titre, par une préoccupation nouvelle : comment rendre acceptables à tous les effets accélérés de la mondialisation des échanges ? La croissance économique a toujours été fondée sur la destruction créatrice : des activités périmées disparaissent, de nouvelles plus performantes surgissent. Dans ce processus, des hommes et des femmes sont pris en étau, entre deux emplois : à leur attention furent créées les allocations-chômage et les primes à la formation continue.
Le cycle s’accélère, ce qui amplifie l’anxiété, fondée ou infondée, face à un avenir que l’on ne connaît pas. L’opinion publique, en général, attribue à la mondialisation seule cette amplitude de la destruction créatrice. A tort. Les échanges internationaux ajoutent à l’incertitude, mais la cause première de la destruction créatrice reste le progrès technique. La mondialisation, si elle est réelle, vient en second, mais elle est première comme bouc émissaire : d’où les mouvements populistes qui laissent croire, à tort, que la fermeture des frontières, le protectionnisme, restaureront le plein-emploi.
A cette anxiété, les économistes répondent de manière globale : l’innovation et les échanges améliorent l’économie, globalement, en moyenne. Mais nul ne vit en moyenne ni globalement : chacun s’attache évidemment à sa situation personnelle. Si celle-ci se dégrade, l’amélioration globale de l’économie n’est pas rassurante en soi. S’ajoute à l’anxiété, justifiée ou non, l’effet d’asymétrie perpétué par les médias. Une entreprise ancienne qui ferme fait la « une », car c’est spectaculaire. Une autre qui ouvre passe inaperçue, car nul ne sait où elle se trouve ni si son avenir est prometteur. La création de Microsoft ou de Zara passa inaperçue en son temps.
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