Médecine

Une nouvelle immunothérapie contre la maladie d’Alzheimer

Un agent du système immunitaire, l’interleukine-2, diminue les cicatrices cérébrales et améliore les symptômes liés à la mémoire chez des souris atteintes de la maladie d'Alzheimer.

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Oublis fréquents de noms ou d’événements récents, difficultés à mémoriser de nouvelles informations, puis troubles de la coordination des gestes, du langage, incapacité à gérer le quotidien, souvenirs qui disparaissent, et enfin démence : il n’est plus nécessaire de la présenter, la maladie d’Alzheimer, qui concerne plus de 15 % des personnes âgées de plus de 75 ans, est un réel problème de santé publique. Mais la recherche est active, notamment pour tenter de ralentir l'évolution de la maladie et de diminuer les symptômes. L’immunothérapie, c'est-à-dire les traitements qui reposent sur une modulation du système immunitaire de défense de l’organisme, a le vent en poupe. Nathalie Cartier, de l’Inserm et du CEA à Orsay, et ses collègues proposent un nouveau traitement efficace chez les souris, qui doit faire l’objet de tests chez l’homme : l’interleukine-2 (IL-2).

Le système immunitaire et le système nerveux interagissent sans cesse : les cellules immunitaires circulent entre les neurones et autres cellules du cerveau, où elles jouent un rôle soit protecteur, contre les agents étrangers, soit délétère, via l’inflammation en particulier. En effet, dans les maladies neurodégénératives comme Alzheimer, la mort des neurones provoque une inflammation qui amplifie la dégénérescence initiale, engendrant un cercle vicieux qui aggrave la maladie. Dans le cerveau des patients souffrant de la maladie d’Alzheimer, des agrégats de protéines, les plaques amyloïdes, apparaissent progressivement autour des neurones et participent à leur mort. Mais elles engendrent aussi l’activation de cellules différentes des neurones, les astrocytes et les cellules gliales. Ces dernières libèrent alors des molécules qui peuvent dissoudre les plaques, ainsi que des cytokines, comme l’IL-2, qui modulent la réponse immunitaire dans le cerveau, notamment l’activité des lymphocytes T régulateurs. D'ailleurs, on a montré que l’IL-2 permet de diminuer l’inflammation.

Des travaux antérieurs ont également révélé que les souris déficientes en IL-2 apprenent moins bien que des souris normales et présentent des troubles de la mémoire proches de ceux de la maladie d’Alzheimer. Nathalie Cartier et ses collègues ont d’abord montré que les concentrations d’IL-2 dans des biopsies de cerveau de patients décédés de la maladie d’Alzheimer étaient plus faibles que celles des personnes non malades. Puis ils ont travaillé avec des souris génétiquement modifiées pour développer une forme humaine de maladie d’Alzheimer. Ces rongeurs présentaient des troubles de la mémoire (évalués avec le test de la piscine de Morris, où l’animal doit se souvenir de la localisation d’une plateforme pour sortir de l’eau), ainsi qu’une perte de neurones dans l'hippocampe (le centre cérébral de la mémorisation) à cause de la présence de plaques amyloïdes. Les chercheurs leur ont alors injecté un virus « inoffensif » permettant la libération continue pendant 20 semaines d’IL-2.

Résultat : le cerveau des souris présentait moins de plaques amyloïdes et davantage de lymphocytes T régulateurs. Leurs neurones étaient en meilleure forme, avec des connexions (les synapses) plus nombreuses et plus efficaces. Et les souris dopées à l'IL-2 manifestaient aussi moins de troubles de la mémoire que les animaux non traités : dans la piscine de Morris, elles étaient aussi performantes que les rongeurs sains.

L’IL-2 représente donc un traitement potentiel de la maladie d’Alzheimer, qui module le système immunitaire et diminue ainsi l’apparition des plaques amyloïdes et la dégénérescence des neurones. Reste à l’évaluer chez l’homme.

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Bénédicte Salthun-Lassalle

Bénédicte Salthun-Lassalle est docteure en neurosciences et rédactrice en chef adjointe à Cerveau & Psycho.

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Références

S. Alves et al., Interleukin-2 improves amyloid pathology, synaptic failure and memory in Alzheimer’s disease mice, Brain, 20 décembre 2016.

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