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APL: 30% des bénéficiaires touchent davantage que le loyer qu'ils paient

Certains bénéficiaires touchent des aides plus importantes que leur loyer.

Certains bénéficiaires touchent des aides plus importantes que leur loyer. - Philippe Huguen - AFP

Auteur d'un rapport parlementaire sur les aides au logement, le socialiste François Pupponi, député-maire de Sarcelles, regrette qu'aucune réforme n'ait été engagée. Et il lâche ce chiffre "volontairement" ignoré par le gouvernement.

Ce chiffre devrait relancer la polémique sur les aides au logement. Trois bénéficiaires des APL sur dix touchent une allocation dont le montant est supérieur à ce que leur coûtent leur loyer. C'est la petite bombe que vient de lâcher le socialiste François Pupponi, auteur du dernier rapport parlementaire sur les aides au logement.

Le député-maire de Sarcelles avait recommandé une grande réforme des APL au printemps dernier. Elle n'a pas eu lieu. "Pire", nous dit-il, "le gouvernement ignore volontairement une découverte qui devrait l'alerter. Pour 30% des bénéficiaires, les APL touchés sont supérieurs au loyer!" Une fraude massive? Non... La faute au système de calcul des APL. La prise en compte du loyer, des revenus et de la composition familiale permet dans certains cas de financer jusqu'à 90 voire 95% du loyer. À cela s'ajoute ce qu'on appelle le "forfait charges". Un forfait d'une cinquantaine d'euros pour tous qui conduit donc à cette aberration : des aides qui peuvent dépasser le loyer.

C’est essentiellement le cas dans les zones non tendues, autrement dit là où les loyers sont les plus faibles. "Concrètement, explique François Pupponi, certains foyers peuvent, dans certaines villes, ne plus payer de loyer, alors que d’autres, à revenus et situations familiales égaux, continuent à payer eux-mêmes au moins partiellement". Le député socialiste, et président de l’ANRU (agence nationale pour la rénovation urbaine) dénonce donc l'inégalité de ce système et son coût. "Sur les 20 milliards d'euros d'APL versés chaque année, sans doute plusieurs milliards, nous dit-il, couvrent la totalité des loyers de certains bénéficiaires".

Un sujet politiquement très sensible

Malgré cela, le sujet reste beaucoup trop sensible politiquement pour qu’une vraie réforme soit engagée. D’ailleurs, il y a quelques années déjà, Benoist Apparu, ancien ministre du Logement de Nicolas Sarkozy, avait alerté sur l’existence de ces bénéficiaires touchant plus d’APL que le montant de leur loyer.

François Pupponi reprend donc le combat, même s'il ne se fait guère d’illusions. Même une réforme qui consisterait à prendre en compte le "forfait charges" pour réévaluer les APL aurait du mal à passer, reconnait le député-maire de Sarcelles, puisque cela conduirait de fait à réduire les aides des plus pauvres. "Et puis, rappelle-t-il, n’oublions pas que les APL financent aussi indirectement les bailleurs sociaux qui ont donc tout intérêt pour leur équilibre financier à ce que l’État ne réduise pas trop la voilure".

Tout cela est bien dommage parce qu’il y a clairement des économies à faire sur les APL. "Saviez-vous, par exemple, nous dit François Pupponi, que le coût de gestion des APL par la CAF est de 800 millions d’euros par an?"

Marie Coeurderoy