Avec “La Nièce”, Marion Maréchal-Le Pen aura droit ce 26 janvier à sa toute première biographie. Ce recueil de témoignages de tous bords dessine le portrait d’une politicienne née, qui joue les équilibristes entre les multiples franges de l’extrême droite.
« Marion, c’est une rassembleuse », « C’est quelqu’un d’absolu », « Elle nous ressemble ». Des déclarations d’amour comme celles-là, le livre de Michel Henry en regorge. Mais l’ouvrage recèle également des commentaires plus critiques, voire impitoyables, concernant la « petite dernière » du clan Le Pen. En lisant La Nièce, on découvre l’étoile montante du Front national à travers ceux qui la côtoient, ses collaborateurs comme ses adversaires. La principale intéressée n’a quant à elle pas souhaité s’entretenir avec l’auteur, ancien journaliste de Libération.
Une « politicienne naturelle »
L’une des premières questions qui vient à l’esprit, en se saisissant de l’ouvrage de Michel Henry, est la suivante : « Etait-il réellement nécessaire de consacrer un livre entier à une femme qui n’est présente en politique que depuis huit ans, et ce grâce à son grand-père et sa tante ? » La lecture des 344 pages qui lui sont dédiées confirme que l’exercice en valait la peine.
Dans le premier chapitre, intitulé « Barbie fait de la politique », Michel Henry dresse le portrait d’une jeune blonde télégénique que tout le monde appelle « Marion ». Lorsqu’elle descend sur les marchés, elle fait comme les politiciens « à l’ancienne », mais en mieux. Au-delà de l’engouement, elle provoque de la fascination. C’est en tout cas ce que confie à Michel Henry le rédacteur en chef de Valeurs actuelles, Geoffroy Lejeune : « Cela paraît spontané alors qu’elle fait la même chose. […] Il y a un côté star, les gens veulent la toucher, même des gens qui ne votent pas nécessairement pour elle. »
Pour elle, la politique est comme une seconde nature. Le député européen Renaud Muselier (LR) l’assure : « Dans une émission de radio, elle est comme un joueur de tennis à la volée : elle smashe. Qu’elle rate la balle ou pas, elle fait du vent. » En témoigne le débat qui l’opposait à Christian Estrosi (LR) lors des régionales de 2015 :
https://www.youtube.com/watch?v=0eQzr-nelok
Face à une telle bagarreuse, la gauche ne sait plus vraiment quoi faire. Même les militants anti-FN sont démoralisés : « Au niveau mobilisation, on est zéro » , déplore Mohamed Jendoubi, fondateur de l’association Le Sursaut. Quant à la droite, elle est obligée de durcir son discours, si elle veut faire face au FN qui monte : « Si nous ne faisons pas ça, nous n’avons plus aucun militant », confie Jean-Baptiste Blanc (LR), vice-président du conseil départemental de Vaucluse.
Son talon d’Achille ? L’économie
Bien sûr, Michel Henry ne trouve pas que des qualités à l’élue frontiste. Pour lui, le programme économique de Marion Maréchal-Le Pen « reste fluctuant, à l’image de la ligne du parti [le Front national], dont c’est le gros point faible. » En résultent des hésitations, qui peuvent donner l’impression qu’elle ne maîtrise pas tellement le sujet lorsqu’il s’agit de points précis.
Du coup, pour ne pas se laisser dépasser, elle révise, même si l’économie n’est pas sa matière préférée. Philippe Martel, qui est passé du cabinet d’Alain Juppé au FN, raconte qu’elle lisait Le Capital au XXIe siècle de Thomas Piketty, « avec un stabilo » lors de leur première rencontre. « Peut-être le résultat de son transfert direct de la fac à l’Assemblée ? », s’interroge Michel Henry.
Mauvaises fréquentations ?
Autre épine dans le pied (droit) de Marion Maréchal-Le Pen, sa proximité avec les milieux identitaires. Alors que Marine Le Pen essaye tant bien que mal de prendre ses distances avec les thèses extrêmes comme le « grand remplacement », sa nièce compte dans son entourage certains de ses plus fervents défenseurs. Il faut dire que la députée frontiste s’entend bien avec cette communauté militante, plutôt habile sur les réseaux sociaux. Son chargé de communication, Damien Rieu, est par exemple très loin de l’image apaisée que cherche à donner Marine Le Pen au parti de son père :
https://twitter.com/DamienRieu/status/815352988143337472
De là à dire que ces garçons ont une mauvaise influence sur la députée de Vaucluse, il n’y a qu’un pas. Un pas d’autant plus facile à franchir qu’elle a choisi de donner dans ses discours une place de choix au combat identitaire. Lors des régionales de 2015, elle affiche par exemple son refus du multiculturalisme, préférant une « Paca bleu, blanc et rouge » à une « Paca black-banc-beur ».
Le grand écart perpétuel
Marion Maréchal-Le Pen joue l’équilibriste : tantôt singulière et indépendante, tantôt chantre du parti qui la soutient. Un exemple de cette stratégie est donné dans La Nièce, lorsque celle-ci se rend au rassemblement de la « vraie droite », organisé par Robert Ménard dans sa ville de Béziers. Le meeting est boudé par les pontes du FN qui, selon Michel Henry, considèrent l’événement comme un « piège à cons ». Ce qui leur fait peur, c’est que Robert Ménard se serve de ce rassemblement pour créer son propre mouvement, qui ferait concurrence au front. C’est d’ailleurs ce qu’il fera, en annonçant la création de « Oz ta droite ».
La députée de Vaucluse, qui ne veut bouder personne, décide toutefois de s’y rendre en compagnie de Gilbert Collard. Elle reste trois heures, puis s’en va, prétextant ne pas avoir supporté la déclaration du maire de Béziers, qui « refuse de servir de marchepied au FN » (voir vidéo ci-dessous). Par cette pirouette, la jeune députée réussit l’exploit de se montrer (devant 2 000 personnes) aux côtés des partisans d’une droite dure, tout en réaffirmant sa fidélité au parti de sa tante, parfois remise en cause.
Marion Maréchal-Le Pen c’est finalement une incarnation possible du Front National 2.0 : plus souriant, plus fréquentable, moins brutal que sa version des années 80, mais qui sait frapper là où ça fait mal. Le FN qui, pour rassembler largement, fait de l’œil à la fois aux identitaires, aux catholiques et à la droite classique et dont la seule faiblesse semble être le flou concernant son programme économique. Et comme pour le Front, ses ambitions sont nationales.