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Le radiateur électrique, l'autre exception française

Même s'il se fait plus rare dans les logements neufs, les Français possèdent un nombre record de radiateurs électriques en Europe. Ce qui explique en grande partie notre sensibilité aux vagues de froid.

Par Adrien Lelièvre

Publié le 25 janv. 2017 à 15:36

Quoi de plus naturel que de pousser son radiateur électrique quand les températures chutent ? Alors que le froid s'est installé dans l'Hexagone, la consommation d'électricité explose. Au pic de la demande, elle a dépassé 90 gigawatts (GW) de puissance certains jours de la semaine dernière. Premier responsable de cette envolée, le chauffage électrique.

Chaque année, entre décembre et février, celui-ci représente à lui-seul 29 % de la consommation d'électricité, soit environ 20 GW. Il peut même atteindre 40GW quand le thermomètre reste bloqué longtemps en territoire négatif ! De quoi alimenter les craintes d'un "black out" . Et relancer les débats sur ce système de chauffage qui reste une étonnante spécificité française.

Poids écrasant du nucléaire

Il faut remonter plus de quarante ans en arrière pour comprendre cette dépendance. En 1973, la France est frappée de plein fouet par le choc pétrolier, à l'origine d'une très forte hausse du prix du pétrole.

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Sous la houlette de Georges Pompidou, la France se tourne alors vers l'atome pour sa production d'électricité. Cette politique industrielle est motivée par un désir d'indépendance énergétique. Elle sera confirmée par le président Valéry Giscard d'Estaing, et soutenue par tous les gouvernements de la Ve République, quelle que soit leur couleur politique.

En quelques années, et au prix d'investissements extrêmement lourds, dix-neuf centrales nucléaires sortent de terre, réparties aux quatre coins du territoire. La première à se mettre en route sera celle de Fessenheim (Alsace) qui fêtera ses 40 ans cette année.

EDF sera le bras armé de cette politique industrielle. A la fois producteur et fournisseur d'électricité, l'entreprise nationalisée en 1946 "incite promoteurs et constructeurs à choisir le chauffage électrique qui, de plus, était le moins coûteux en investissements", rappelle Jean Syrota, ancien dirigeant de la Cogema et détracteur des radiateurs électriques.

L'objectif d'EDF, qui travaille main dans la main avec les ministres de l'Energie, est d'amortir le coût de construction et d'exploitation du parc nucléaire.

Un système critiqué

Facilité d'installation, rapidité de la mise en route : à grands renfort de publicités, le géant de l'électricité vante les mérites de ce produit mis au point dès 1971. Certaines de ces campagnes sont restées dans les mémoires : "Le chauffage électrique, entre nous, il a tellement d'avantages".

En soutien, l'Etat multiplie les subventions pour augmenter le taux d'équipement. Ces efforts portent leurs fruits : dans les années 80 et 90, le marché du chauffage électrique explose.

Ainsi, 34% du parc immobilier était équipé d'un chauffage électrique en 2014 contre 5% en Allemagne, selon l'Ademe. A-elle-seule, la France possède autant de radiateurs et de convecteurs électriques que l'ensemble des foyers européens réunis !

Ce système de chauffage est pourtant loin de faire l'unanimité. Dès les années 90, les groupes écologistes dénoncent vertement les "grilles pains". Le stockage de l’électricité étant impossible, il faut en effet disposer de moyens de production capables de s'adapter en temps réel à l'offre et la demande. Le parc nucléaire doit ainsi être mobilisé à plein régime lors des vagues de froid, mais ce n'est plus le cas lorsque les beaux jours reviennent.

Lobbying d’EDF

"EDF était un lobby extraordinairement puissant", poursuit Jean Syrota qui estime "avoir perdu [son] combat contre la généralisation du chauffage électrique. Ironie de la situation : en dépit de la taille du parc nucléaire français jugée disproportionnée par les écologistes, l'Etat est parfois contraint d'importer de l'énergie chez ses voisins pour éviter les coupures d'électrité en hiver. Y compris des énergies fossiles, émettrices de gaz à effets de serre (CO2).

Le choix du chauffage électrique a un prix : la France est responsable à elle-seule de près de la moitié de la thermosensibilité européenne. Un chiffre amené à reculer avec l'entrée en vigueur de la réglementation thermique (RT 2012), qui impose de mieux isoler les logements ­– ce qui entraîne mécaniquement une baisse de la consommation d'électricité –, et le développement d'alternatives pour se chauffer comme le gaz, le fioul, l'hydrogène et le bois.

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Adrien Lelièvre

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