Lorsqu'elle est arrivée au Centre de dépistage à Pobè, dans l'est du Bénin, Folahan avait le visage couvert de nodules : un symptôme de la lèpre. On croit la maladie éliminée, et pourtant la jeune femme fait partie des 210 000 patients diagnostiqués chaque année dans le monde.

Cette cultivatrice, qui ne connaît pas son âge, a immédiatement été mise sous traitement. Si elle le prend bien pendant un an, et s'il n'y a pas de réactions, elle sera complètement guérie.

Son enfant de 4 ans devra également être suivi, car la maladie est particulièrement infectieuse. Associée au Moyen-Age dans la conscience collective, la lèpre atteint la peau et les nerfs et crée des lésions irréversibles aux mains, aux pieds et aux yeux.

Pour l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), la lèpre n'est plus un problème de santé publique depuis 2000, avec, à l'échelle mondiale un taux de prévalence mondial inférieur à 1 cas pour 10 000 personnes.

Pourtant, au Bénin la maladie n'est pas éradiquée et on recense chaque année 150 à 200 nouveaux cas, dont 10 % d'enfants. Un chiffre stable depuis 10 ans.

« C'est sûr que la lèpre touche moins de monde que le paludisme. Mais ici, 25 % des cas dépistés ont déjà des incapacités graves et invalidantes », explique Dr Roch Christian Johnson, président de l'Association Mondiale contre la Lèpre, de passage au Bénin dont il est originaire.

Le Centre de dépistage de Pobè a été construit en 2000 autour de l'ancienne léproserie, située en plein centre-ville, par la Fondation Raoul Follereau. Cet organisme caritatif privé français porte le nom de celui qui a créé en 1945 les Journées mondiales des Lépreux. Elles se tiendront cette année du 27 au 29 janvier, pour rappeler que la maladie n'est pas éradiquée.

« Les patients arrivent trop tard »

Pobè se trouve dans une zone endémique frontalière avec le Nigeria, pays le plus peuplé du continent, qui enregistre à lui seul 4000 cas de lèpre chaque année.

« Les patients arrivent toujours trop tard, quand ils ont des plaies avec gangrène », se désole le Dr Thierry Gateau, directeur du centre de Pobè.

Car dans cette zone rurale, les lépreux sont surtout des paysans.

Comme Pascal Boton. Cet homme explique avoir été diagnostiqué il y a une vingtaine d'années. « Des infirmiers venaient me donner le médicament, et puis ils ne sont plus venus », raconte-t-il à l'AFP.

Sans suivi régulier, les séquelles se sont aggravées. Un de ses pieds s'est retourné sur lui-même. Il continue à travailler la terre, sa seule ressource, mais lorsqu'il se blesse, il ne ressent aucune sensation. Une infection, et c'est l'amputation.

L'enjeu est de dépister la lèpre assez tôt. Des équipes mobiles vont dans les villages, réalisent des prélèvements qui seront ensuite analysés dans le laboratoire du centre.

Malédiction

« C'est sensible. Ici, la lèpre est associée à la malédiction, alors on prétend que l'on vient étudier des maladies de peau », témoigne la Dre Annick Chauty, une Française qui a passé 15 ans au sein du centre.

Maisons rasées, champs saccagés, femmes répudiées, tout est fait pour chasser les malades, souvent handicapés par les séquelles de la lèpre.

Au Bénin, « on pense que c'est une maladie envoyée » par un mauvais sort, ajoute le Dr Ambroise Adeye, chirurgien pour la Fondation et l'hôpital public de Pobè. « Les lépreux vont d'abord voir les guérisseurs, et ça s'aggrave. Ensuite, ils attendent d'avoir de l'argent pour consulter » un médecin.

Le traitement, composé de trois antibiotiques, est pourtant gratuit et prescrit dans les dispensaires du pays.

Pour le faire savoir, le Programme national de lutte contre la lèpre du ministère de la Santé diffuse des messages sur les radios communautaires et fait de la prévention.

Oladélé, lui, est guéri depuis trois ans. Seule trace de la lèpre : des doigts légèrement recourbés en griffe. Aujourd'hui, ce jeune homme de 24 ans est barbier dans un salon de coiffure tout neuf à Pobè.

« Je ne voulais pas retourner aux champs. Le centre m'a proposé des formations, j'ai choisi la coiffure », dit-il. Il manie sans problème le rasoir et les ciseaux, grâce aux séances de kinésithérapie.

Les clients sont-ils au courant ? « Certains savent, d'autres non. »

Son patron le soutient, sa famille aussi, elle a d'ailleurs payé son apprentissage. Quand ce n'est pas le cas, la Fondation Raoul Follereau prend en charge la réinsertion.

« Il y a une meilleure acceptation (qu'auparavant), mais il faut accompagner les anciens lépreux », analyse le Dr Gateau.

Pour lui, il est possible d'éradiquer la lèpre, à une condition : « Il faut que le pays se développe. La lèpre reste une maladie de la pauvreté ».