Le mur de Trump, une vieille histoire

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Le mur de Trump, une vieille histoire

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Le mur frontalier à Tijuana, Mexique
Le mur frontalier à Tijuana, Mexique
© AFP - Gonzalo Gonzalez

carte. Donald Trump signait mercredi un décret autorisant la construction d'un mur à la frontière avec le Mexique. La surenchère d'une militarisation de la frontière qui remonte aux années 1970. Une escalade sécuritaire républicaine comme démocrate, exposée en cinq cartes.

La militarisation de la frontière mexicaine par les Etats-Unis remonte aux années 1970, et n'a cessé de s'accentuer depuis. Le contenu du décret de Donald Trump n'est qu'une surenchère de plus à ce comportement routinier des présidents républicains comme démocrates. Donald Trump décrète vouloir un contrôle opérationnel total, mais sans aucune précision quant à la mise en œuvre pratique du mur : kilométrage, renforcement de l'existant, financement... On peut distinguer cinq grandes étapes de cette escalade sécuritaire.

A écouter " Migrants hispaniques aux Etats-Unis", Les hommes aux semelles de vent

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1) 1978 : Quatre premières barrières

Première étape de la militarisation de la frontière mexicaine
Première étape de la militarisation de la frontière mexicaine
© Radio France - Camille Renard

Les anti-migrants utilisent l'arrivée de 125 000 migrants cubains pour développer une politique obsidionale. Jimmy Carter fait voter l'augmentation de 6 % du budget de la "Border Patrol" pour financer l'équipement et le blindage de la frontière dans les zones de traversées non autorisées importantes. Des barrière de chaînes de 3 mètres de haut, dites "Tortilla curtain", sont construites à El Paso, Chula Vista, Yuma et Tucson. Le personnel de la "Border Patrol" augmente, comme les capacités d'enfermement. Le nombre d'expulsions est constant.

2) 1984 : 23 nouvelles bases pour les patrouilles

2e étape de la militarisation de la frontière mexicaine
2e étape de la militarisation de la frontière mexicaine
© Radio France - Camille Renard

Dans les années 1980, la "guerre contre la drogue" justifie pour Donald Reagan un dispositif renforcé à la frontière mexicaine. Le Congrès octroie 90 % d'augmentation des crédits à la "Border Patrol" ainsi que l'achat de nouveaux équipements : 22 hélicoptères, lunettes à vision nocturne... 23 bases sont construites dans les quatre États frontaliers. Les capacités d'enfermement sont renforcées en mettant à profit les prisons locales, le personnel est augmenté, des patrouilles à cheval sont introduites.

3) 1991 : 22 km de barrières en Californie

3e étape de la militarisation de la frontière mexicaine
3e étape de la militarisation de la frontière mexicaine
© Radio France - Camille Renard

Des "barrières" en taules d'acier ondulées de 3 mètres de haut sur 22 kilomètres sont mises en place à Chula Vista. L'équipement des patrouilles est renforcé : hélicoptères, radars, lumières. Les "criminels" étrangers sont déportés. La "Border Patrol" voit ses crédits augmenter de 59 %, mais son personnel diminuer de 11%. Le nombre d'arrestations augmente.

4) 1996 : 8 nouvelles clôtures

4e étape de la militarisation de la frontière mexicaine
4e étape de la militarisation de la frontière mexicaine
© Radio France - Camille Renard

Sous les présidences de Clinton, alors que la peur d'attaques terroristes se développe, la stratégie de surveillance des frontières change**.** Des agents sont déployés à la frontière, par exemple à El-Paso, tous les 100 mètres, pour "dissuader" les traversées non autorisées, et pousser les migrants vers des zones moins urbaines, plus dangereuses, où ils pourront être pris par les autorités. Huit sections de barrières frontalières sont construites en taules d'acier ondulées de 3 à 4 mètres de haut en Californie et Arizona : San Diego à San Ysidro, Tecate, Jacumba, Calexico, San Luis (Yuma), Nogales, Naco et Douglas. La politique du "catch and release" prend fin : les migrants interceptés sont systématiquement emprisonnés. Les expulsions de clandestins et de certains résidents permanents augmentent.

5) 2006-2012 : 1 200 km de clôture, sous une surveillance de plus en plus technologique

5e étape de la militarisation de la frontière
5e étape de la militarisation de la frontière
© Radio France - Camille Renard

A écouter " Amexica, la violence du mur" et " Amexica, le bilan humain du mur", Conférences proposées par la BPI

Georges W. Bush propose en 2006 une réforme migratoire qui fait de la sécurisation de la frontière un point nodal, en combinant "route de patrouille, lumières et barrières". L'objectif du "Secure Fence Act" est de permettre la construction d'une barrière physique de 1 100 km le long de la frontière entre les États-unis et le Mexique. Les constructions de barrières avancent lentement, mais six ans plus tard, en 2012, 1 200 km de barrières sont construits. A ces obstacles physiques se superpose une nouvelle stratégie, accentuée encore sous la présidence de Barack Obama, consistant à développer la surveillance technologique. Le contrôle se virtualise. Des dirigeables, puis des drones, se multiplient. "La frontière devient alors le laboratoire pour tester de nouvelles technologies", explique le docteur en sciences politiques Damien Simonneau, auteur d'une thèse consacrée à une "sociologie politique des mobilisations pro-barrière en Israël et en Arizona". Il s'agit par exemple en Arizona de scanner toute la région. Des financements sont octroyés à des industries de pointe. Boeing met en place son "projet 28" : 9 tours de surveillance sont installées au Sud de Tucson puis à Yuma dans l'Arizona.

A n'en pas douter, le projet de mur de Donald Trump non seulement vise à rassurer la frange américaine conservatrice anti-migrants, mais sert aussi des intérêts économiques bien compris pour l'industrie américaine.

A lire : " Le monde se referme : la carte des murs aux frontières"

A lire, de Damien Simonneau, "Les Frontières mondialisées", ouvrage dirigé par Sabine Dullin et Etienne Forestier-Peyrat (Paris, Puf, Vie des idées, octobre 2015), et l'article " Le spectacle politique du territoire « muré »", sur le site The Conversation