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A Venise, des fleurs pour un réfugié mort dans le Grand Canal sous les lazzis des passants

La mairie est restée silencieuse plusieurs jours avant d’annoncer qu’elle prendrait les obsèques à sa charge de Pateh Sabally, un réfugié gambien qui s’est noyé le 21 janvier.

Par  (Venise, envoyé spécial)

Publié le 28 janvier 2017 à 11h21, modifié le 31 janvier 2017 à 13h03

Temps de Lecture 2 min.

Devant la gare Santa Lucia, à Venise, en Italie, le 11 novembre 2016.

Quelques centaines de personnes se sont rassemblées, vendredi 27 janvier, à la nuit tombante, sur le parvis de la gare de Venise (Italie), devant le Grand Canal, pour rendre hommage à un inconnu. Parmi les manifestants, une trentaine de migrants africains venus des structures d’accueil du quartier de Mestre, à qui de nombreuses personnes, souvent les larmes aux yeux, prodiguent de timides gestes d’affection. Une couronne de fleurs déposée sur l’eau a flotté quelques minutes avant de disparaître.

Pateh Sabally est mort ici même cinq jours plus tôt. Le 21 janvier, ce réfugié gambien de 22 ans, arrivé en ville par le train, s’est assis sur les marches de la gare quelques minutes, puis il est venu se glisser dans l’eau glaciale, laissant sur le bord un sac plastique contenant ses maigres effets personnels. Il a succombé en quelques minutes, devant des centaines de témoins.

Une vidéo de la scène, diffusée sur le site du journal local Il Gazzettino, a fait le tour du monde en quelques jours. Sur ces images insoutenables, on entend distinctement, en italien, des « idiot ! », « rentre chez toi ! » ou même « laissez-le mourir ! ». Sur un autre enregistrement, diffusé par la suite, on distingue des bouées jetées d’un vaporetto. Le jeune homme ne s’en saisit pas. En avait-il encore la force ?

« N’y allez pas ! Il fait semblant ! »

Selon un témoignage recueilli par le Corriere del Veneto, un secouriste se préparait à se jeter à l’eau, mais il a été distrait par une femme criant : « N’y allez pas ! Il fait semblant ! » Quand il est revenu au bord de l’eau, Pateh Sabally avait déjà été englouti.

« Pourquoi a-t-il fait ça ? C’est un mystère, assure Alain, un pharmacien de la ville, venu en Italie depuis le Cameroun pour étudier, il y a vingt ans. Les journaux disent que sa demande de titre de séjour avait été rejetée. Mais quand on a traversé le désert et la mer en risquant sa vie, est-ce qu’on se tue pour un bout de papier ? »

La mairie de Venise est restée silencieuse plusieurs jours avant d’annoncer qu’elle prendrait les obsèques à sa charge. Et l’adjoint à la cohésion sociale, Simone Venturini, a pris la parole pour dénoncer les accusations de racisme. « J’ai vu la vidéo, la plupart des phrases obscènes qu’on entend n’ont pas la cadence vénitienne, elles ne ressemblent pas à notre dialecte. Ceux qui hurlaient n’étaient pas des Vénitiens. »

Une semaine plus tôt, en conseil communal, questionné sur la régulation du tourisme, le maire, Luigi Brugnaro, avait évoqué le risque que les visiteurs soient « remplacés par des Nigérians », avant de disserter sur les dommages causés à la lagune par les flamants roses.

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