Consommation

C’est quoi cette bouteille de lait non recyclée ?

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Compactage de bouteilles de lait en plastique, en Alsace. PHOTO : ©Frederic MAIGROT/REA

Samedi 28 janvier, des actions ont été organisées dans des supermarchés de plusieurs villes de France par Zero Waste pour sensibiliser les consommateurs à l’emballage des bouteilles de lait non recyclables. Cette association, qui milite pour la réduction des déchets, a également lancé une pétition en ligne pour demander aux acteurs de la grande distribution de renoncer à ce type de bouteille.

C’est quoi cette bouteille de lait… ? On observe dans les rayons de nouvelles bouteilles, blanches, plus fines et plus brillantes que les traditionnelles et qui ne disposent pas d’opercule en aluminium à l’ouverture. Le type de plastique utilisé pour leur fabrication est appelé PET opaque. Problème : il ne se recyclable pas1. Contrairement au PEHD opaque et au PET transparent des bouteilles de lait traditionnelles. D’un point de vue pratique, les consommateurs peuvent regarder sous leur bouteille de lait : si elle a un sigle avec le n° 2 elle est recyclable, si elle a un sigle avec le n° 1, elle ne l’est pas et on a affaire à du PET opaque.

Ces bouteilles perturbent les chaînes de tri, car les centres de tri n’ont pas été conçus pour les identifier et les séparer du reste

Le fait que le PET opaque ne soit pas recyclable2 entraîne deux problèmes. D’une part, ces bouteilles finissent leur vie en incinérateur ou en décharge. Or le Centre national d’information indépendante sur les déchets (Cniid) indique que « malgré les évolutions réglementaires et technologiques, le procédé d’incinération reste un producteur et un diffuseur de substances polluantes dans l’environnement, avec des effets sur la santé humaine ». D’autre part, ces bouteilles perturbent les chaînes de tri, car les centres de tri n’ont pas été conçus pour les identifier et les séparer du reste. Elles gênent donc le recyclage des autres types de bouteilles. « Le risque est aussi cela décourage les consommateurs de trier leurs déchets au final », souligne Flore Berlingen, directrice de Zero Waste France.

Jusqu’à récemment le plastique PET opaque était peu utilisé, seulement pour des bouteilles d’huile jaune et quelques cosmétiques. Mais depuis 2010 son usage s’est accru considérablement. Dans une note publiée en décembre 2015, le Comité technique pour le recyclage des matières plastiques (Cotrep) estimait que le secteur du lait et de la crème fraîche utilisaient environ 4 000 tonnes de PET opaque blanc.

Arbitrage économique

L’augmentation du nombre de ces bouteilles s’explique par le fait qu’elles soient 20 à 30 % moins chères que les bouteilles traditionnelles en PEHD ou PET transparent. Elles sont également plus légères, donc demandent donc moins de matériau, et elles ne contiennent pas d’opercule, ce qui permet d’augmenter les cadences dans les usines. « Il s’agit vraiment d’un arbitrage économique de la part des distributeurs et en leur seule faveur car cela ne se répercute pas sur les prix aux consommateurs », affirme Flore Berlingen. « Les coûts retomberont sur les collectivités locales qui devront adapter les chaînes de tri des centres et donc sur les habitants via la taxe d’enlèvement des ordures ménagères. Surtout, il s’agit d’un recul sur la question du recyclage. »

« Les coûts retomberont sur les collectivités locales qui devront adapter les chaînes de tri. »

Zéro Waste interpelle particulièrement les acteurs de la grande distribution car d’après l’association ils sont les premiers à avoir changé le matériau de leurs bouteilles. Elle indique que les marques distributeurs de Carrefour, Monoprix, Franprix, U Express et Intermarché Express utilisent du PET opaque pour plusieurs types de lait (écrémé ou non, biologique ou non). Toujours d’après Zéro Waste, pour le moment, Auchan ne semble pas utiliser ce PET opaque pour son lait de marque distributeur. Quant aux principales marques de producteurs, Candia (Sodiaal) et Lactel (Lactalis), elles ne recourent pas pour l’instant à ce nouveau matériau.

Outre la responsabilité évidente des distributeurs, intervient également celle de l’organisme Eco-Emballage, agréé par l’Etat et dont une des missions consiste à collecter les contributions payées par les producteurs d’emballages et à les redistribuer aux collectivités en charge du tri. En effet, ces contributions doivent être modulées en fonction de l’impact de l’emballage en fin de vie sur l’environnement. Elle peut même imposer un bonus/malus pour décourager l’usage des emballages non recyclables.

Or jusque-là Eco-Emballage n’a rien fait, hormis le lancement d’une étude en 2016, alors que l’organisme connaît le caractère non-recyclable depuis 2010 du PET opaque.

Suite à la sonnette d’alarme tirée par Zero Waste, la ministre de l’Environnement Segolène Royal a demandé le 1er février à Eco-Emballage d’instaurer d’ici 15 jours un malus sur les bouteilles de plastique opaque. La ministre a précisé qu’elle étudierait la possibilité d’interdire leur mise sur le marché. Eco-Emballage de son côté refuse pour le moment toute application d’un malus.

  • 1. Le PET associé à un opacifiant peut empêcher le recyclage.
  • 2. Les recycleurs peuvent accueillir jusqu’à 15 % de PET opaque "mélangé" avec du PET classique. Mais ce seuil a déjà été atteint.

À la une

Commentaires (2)
Jean-Pierre 31/01/2017
Apparemment, écoemballages a lancé une recherche sur cette question... http://www.ecoemballages.fr/actualite/pet-opaque-identifier-de-nouveaux-debouches-pour-le-recyclage
CYRIL 28/01/2017
Vous auriez peut-être pu illustrer votre article de ladite bouteille, car finalement, on dirait qu'elle n'existe pas.
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