8 854 849 : c’est le nombre de mines qui ont été détruites par l’armée algérienne depuis l’indépendance du pays. Le général Boualem Madi a annoncé la semaine dernière « l’achèvement de l’opération de déminage qui couronne plus de cinquante années d’efforts continuels et de travail sur le terrain », l’anéantissement du « fléau hérité de la période coloniale » et l’assainissement de plus de 62 000 hectares de terre.

À la fin des années 1950, en pleine guerre d’indépendance de l’Algérie, l’armée française menait la bataille des frontières. Elle avait érigé des barbelés électrifiés et miné les frontières algériennes sur 700 km de long, du côté marocain à l’ouest, et sur 460 km de long du côté tunisien à l’est. Ces fameuses lignes Challe et Morice – du nom du général Maurice Challe et du ministre de la défense André Morice –, ou barrages de la mort, rendaient la traversée de la frontière souvent fatale pour les combattants du Front de libération nationale (FLN) qui allaient se ravitailler auprès de leurs bases arrière dans les pays voisins, ou qui voulaient infiltrer l’Algérie depuis ces pays.

Alger a lancé le chantier de déminage au lendemain de l’indépendance et l’a poursuivi jusqu’en 1988. En vingt-cinq ans, plus de 500 km2 sont nettoyés et 7,8 millions de mines détruites. Le pays a entrepris en 2004, après la ratification de la convention d’Ottawa, une deuxième phase pour la destruction des mines encore présentes dans quinze wilayas (régions). Depuis, 100 km2 de terre ont été réhabilités et un million de mines détruites.

Plus de 7 000 victimes officiellement répertoriées

Dans cette opération, la France n’a pas brillé par son aide. Elle n’a donné à l’Algérie les plans des zones minées qu’en 2007 pour « bâtir des relations de confiance » et « approfondir la coopération militaire entre les deux pays », selon le communiqué publié à l’époque par l’ambassade de France en Algérie. Ces cartes restituées si tardivement furent d’une piètre utilité. Au fil des décennies, le vent, la pluie, l’érosion et les rivières ont charrié et déplacé les petites mines qui ont fini par se retrouver loin des anciennes lignes Challe et Morice.

Ces mines disséminées dans les champs ont fait plus de 7 000 victimes officiellement répertoriées ; 3 284 sont décédées en sautant sur une mine, 3 730 sont restées mutilées, selon le dernier rapport Landmine and Cluster Munition Monitor, du collectif international d’ONG pour l’interdiction des mines antipersonnel (ICBL).

Un enfant de 10 ans mutilé en 2011 est à ce jour la dernière victime des lignes Challe et Morice. Mais les Algériens n’en ont pas encore fini avec les mines. « Il reste encore des engins explosifs artisanaux de la guerre civile des années 1990 qui font des dizaines de victimes chaque année », déplore Alma Al Osta, de Handicap international. En 2015, ces engins ont coûté la vie à douze personnes et ils ont fait vingt-quatre blessés.