Elections françaises: les réseaux sociaux sont-ils plus efficaces que les sondages?

Elections françaises: les réseaux sociaux sont-ils plus efficaces que les sondages ?

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Par Nicolas Vanderbiest

Marc de café, diseuses de bonne aventure, boules de cristal, tout cela sera bientôt de l’histoire ancienne. La nouvelle lubie, c’est de lire l’avenir dans les réseaux sociaux. Là où les vraies gens s’expriment. Loin de la tour d’ivoire des "merdias" (terme utilisé par la patriosphère pour désigner les médias à la solde du pouvoir et de la bien-pensance) ou des instituts de sondage, incapables d’annoncer le Brexit ou de prévoir la glorieuse victoire de Trump aux États-Unis.   

Tel est l’argumentaire en vogue et qui revient à chaque élection depuis quelques mois. En somme, les données massives (Big Data) nous permettraient d’avoir en temps réel le baromètre de l’opinion.

Sauf qu’à chacun de ces articles, on nous montre un indicateur ou un outil différent. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé au moment des primaires de déployer tout ce qui se fait de mieux au niveau des outils sur les réseaux sociaux pour monitorer presque l’ensemble des indicateurs venant des réseaux sociaux.

Et devinez quoi ! Me voici le Nostradamus des réseaux sociaux puisque lors de la primaire de gauche, j’ai eu ma quinte dans l’ordre 8 heures avant le résultat des élections ( " si l’on écoute les indicateurs des réseaux sociaux, Benoit Hamon est en tête du 1er tour. "), et ce alors que les sondages donnaient Manuel Valls largement vainqueur. Pareil pour le deuxième tour, où tous les indicateurs durant les débats et la semaine me donnaient Benoit Hamon gagnant. Dès lors, ai-je trouvé la formule magique à vendre à tous les Machiavels de la classe politique ? Pas du tout. Ce que j’ai oublié de mentionner, c’est que j’avais déployé exactement les mêmes outils pour la primaire de droite, et que cette fois-là, j’étais à mille lieues d’identifier François Fillon comme gagnant. Dès lors, quels sont les biais de ce genre de méthode ?

Le biais de population

Le premier point est que la population sur Twitter ou Facebook est différente de la population globale. Pour ce premier, on a affaire à des catégories socioprofessionnelles supérieures, plutôt citadines et très connectées. Pour Facebook, on est déjà plus dans une population globale, mais cela ne représente clairement pas tout le monde. Par ailleurs, sur Facebook, on ne peut considérer que les pages publiques. Cela concerne environ 11 000 personnes pour la page de Valls et 60 000 pour Macron. Comment un microcosme comme cela peut-il constituer un indicateur plus vraisemblable que les sondages ?

Engagez-vous qu’ils disaient

Prenons ensuite la valeur phare : l’engagement. Cet indicateur désigne le fait que des gens ont interagi avec un homme politique soit en le mentionnant, soit en le retweetant. Ce n’est pas du tout parce que vous avez plus de retweets que cela désigne une intention de vote. Le meilleur exemple pour cela est celui de Benoit Hamon dont beaucoup de tweets remontant à 2009 ont connu une seconde vie, ce qui a particulièrement amusé les internautes. ":

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C’est le même mécanisme pour toutes les mesures. En effet, prenons des mentions de vote pour les candidats. Voici le nombre de tweets pour toutes les mentions "Vote ou Voter pour" un candidat. La preuve est indubitable : les réseaux sociaux ont prévu la victoire de Benoit Hamon.

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Sauf que si l’on quitte uniquement l’aspect quantitatif de la chose pour interroger les tweets d’une manière qualitative, la portée divinatrice de la mesure statistique vole en éclats :

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Le nombre de nouveaux fans/followers

Autre indicateur qui pourrait montrer une dynamique, le nombre de nouveaux fans et de followers. Là aussi, Benoit Hamon était devant Manuel Valls et les autres candidats. On pourrait y voir une corrélation. Sauf que c’est envisagé les indicateurs comme n’étant pas soumis à des influences extérieures. Imaginons que sur le budget de campagne d’un candidat, celui-ci consacre 1000 euros en publicités Facebook plutôt qu’en représentation dans les marchés. Vous pourriez obtenir le même nombre de votants, mais ces derniers ne seront pas comptabilisés. Il s’agit donc d’un indicateur comportant de nombreux biais.

La taille des communautés

Jusqu’à présent, il s’agit du seul indicateur qui n’a pas trop failli jusqu’à présent. Il consiste à prendre les débats et les conversations au long terme pour évaluer la taille des communautés de chaque candidat. Seulement, cela relève plus de la force de militantisme qu’un véritable indicateur de futurs votants.

Des éléments perturbateurs.

Par ailleurs, certaines personnes sont perturbatrices des données récoltées. Ainsi, un militant du Front National achète régulièrement des retweets provenant de bot dans le but d’influencer les débats :

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Grâce à ces bots, il influence grandement de nombreux indicateurs (mentions de candidats, sémantiques des mots, etc.)

Les réseaux sociaux ne sont pas isolés du reste du monde.

Par ailleurs, considérer les réseaux sociaux comme étant un monde démocratique isolé du reste des influences comme les sondages et les articles de journaux est une ineptie. C’est l’erreur qu’ont faite certains en voyant une dynamique forte durant la dernière semaine de la primaire de droite où François Fillon avait un nombre de mentions et d’occurrence en forte hausse. Ils y vont vu à preuve que les sondages n’ont rien vu venir alors que les réseaux sociaux ont tout prévu. Sauf qu’en réalité, si le nombre de mentions de François Fillon a augmenté, c’est justement parce que les sondages l’ont placé en constante ascension ce qui a emmené les médias et les réseaux sociaux à parler de lui.

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On se retrouve dès lors dans un discours où les réseaux sociaux seraient plus fiables que les sondages alors que l’indicateur l’attestant est directement influencé par les sondages. Un magnifique serpent se mordant la queue.

En conclusion, la plupart des indicateurs peuvent être facilement influencés ou souffrent de nombreux biais. Si les réseaux sociaux peuvent fournir des indices de la force d’un candidat, ils ne seront jamais en l’état un moyen de déterminer à coup sûr les résultats d’une élection.

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