Les critères sur lesquels on s'appuie pour autoriser le début des essais cliniques de médicaments chez l'humain sont trop laxistes, soutiennent des chercheurs de l'Université McGill dans la revue Nature.

« En Amérique du Nord et en Europe, les organismes de réglementation évaluent l'innocuité des médicaments avant de donner le feu vert à des essais chez l'humain, mais ils n'exigent pas de preuves solides qui attestent leur efficacité potentielle », écrivent le Pr Jonathan Kimmelman, bioéthicien, et Carole Federico, étudiante au doctorat, dans ce texte d'opinion.

« À notre avis, les premiers essais chez l'humain sont, dans de nombreux cas, autorisés sur la foi de données peu convaincantes, qui auraient mérité un examen plus attentif. »

« Même si les participants à des essais ne subissent pas d'effets néfastes proprement dits, la mise à l'essai de traitements inefficaces n'est pas sans conséquence pour la société », expliquent-ils. « La mise au point d'un médicament mobilise des ressources financières et scientifiques ; pendant qu'ils font l'essai d'un traitement inopérant, les patients et les volontaires sains passent à côté de médicaments prometteurs ».

« Enfin, les sommes englouties dans des traitements inefficaces peuvent faire augmenter le prix des médicaments, la facture étant souvent refilée au système de soins de santé. »

Cet appel à un examen plus minutieux des résultats obtenus chez l'animal tombe à point nommé, souligne le communiqué de l'université. En effet, si l'on en croit l'intention annoncée par leur président Donald Trump, « les États-Unis envisagent d'assouplir leurs critères quant aux preuves cliniques d'efficacité nécessaires à l'approbation d'un médicament ».

Les chercheurs, rapporte le communiqué, « exposent un cas survenu en France l'an dernier : un essai clinique a entraîné la mort d'une personne et l'hospitalisation de cinq autres. Les autorités ont examiné la situation sous tous les angles pour déterminer comment on aurait pu prévoir la toxicité du médicament. Pourtant, rares sont les comités d'éthique (...) qui admettent avoir le devoir de s'assurer qu'un traitement expérimental est assez prometteur pour être testé chez l'humain. »

« On ne saurait s'en remettre uniquement aux intérêts commerciaux pour espérer que seuls les médicaments dont le potentiel clinique est solidement établi seront testés chez l'être humain », déclare le Pr Kimmelman.

Les auteurs proposent des mesures destinées à resserrer les critères :

  • « contraindre les fabricants de médicaments à inclure les résultats défavorables obtenus chez l'animal dans le dossier soumis aux chercheurs et aux comités d'éthique » ;

  • « autoriser la mise en route des essais uniquement au terme d'un examen minutieux des données précliniques par un expert indépendant » ;

  • « encourager les examinateurs jugeant de l'utilité clinique probable d'un médicament à élargir leur champ d'évaluation, par exemple en vérifiant les résultats d'autres substances de la classe lors d'essais cliniques ».

« D'aucuns avanceront que cette façon de faire risque d'amener une hausse des coûts et une prolongation des délais liés à la mise au point d'un médicament. Cependant, font valoir les chercheurs, une évaluation plus poussée du potentiel clinique avant le début des essais pourrait réduire le taux d'échec, ce qui compenserait les coûts de développement plus élevés. »

Crainte que la mise en marché prématurée des médicaments devienne la norme (Prescrire, 2015)

Psychomédia avec sources : Université McGill, Nature.
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