Cannes 2017 : pourquoi Pedro Almodóvar est un très bon choix pour présider le jury

Fraîcheur du regard, curiosité, générosité, amour du cinéma… il n'a pas son pareil pour communiquer son enthousiasme. Celui qui n’a rien d’un président le sera pourtant. Pedro Almodóvar viendra à Cannes pour entretenir la flamme.

Par Frédéric Strauss

Publié le 31 janvier 2017 à 17h11

Mis à jour le 08 novembre 2023 à 16h49

Trouver un bon président de jury n’est pas si difficile. Pour le 70e festival de Cannes, Pedro Almodóvar représente un choix tout à la fois évident, sympathique et très excitant. Evident parce que le réalisateur de Julieta symbolise, mieux que tout autre, les deux piliers de la philosophie cannoise : le cinéma comme fête et le cinéma comme ambition artistique.

Dans ce double programme, rigide et souvent considéré comme une contradiction problématique (les paillettes font beaucoup de mal aux films qui pensent, et inversement), l’Espagnol promet de mettre sa générosité naturelle. Avec lui, fouler le tapis rouge et commenter des choix de mise en scène sont des plaisirs complémentaires. Parce qu’il aime autant le star system que la réflexion sur le cinéma, il réconcilie badauds et intellos. Et c’est très sympathique. Mais s’il fait déjà un président cannois très excitant, c’est parce qu’il n’a rien d’un président.

Au fil de ses visites sur la Croisette, Almodóvar a eu plus d’une occasion d’exprimer un avis dubitatif sur le principe même d’une compétition entre des films et la logique du tableau d’honneur qu’on appelle palmarès. Vision d’un homme déçu ? On se souvient qu’en 1999, Tout sur ma mère avait tellement fait vibrer les festivaliers que le prix de la mise en scène décerné par le jury de David Cronenberg s’était transformé en offense publique à un Almodóvar qui méritait la Palme d’or. Mais ces regrets cannois étaient d’abord ceux des supporters du cinéaste. Qui continua à venir et à revenir, jamais lassé, quel que soit l’accueil reçu, de participer à la plus grande célébration au monde de l’art auquel il a dédié sa vie.

Etre à Cannes, c’est soutenir la place de ce septième art, qui semble fragilisée. Certains sont là pour se livrer bataille, se disputer des prix. Lui, c’est pour dire sa foi dans cette religion des images, dans ce show, dans cette communion à travers les films. Il vient pour entretenir la flamme. Et s’il faut devenir président du jury pour que la flamme brille et rayonne, il devient président. Il joue le jeu, au nom de l’amour du cinéma.

Enthousiasme de spectateur

Almodóvar ressemble à ses films, qui carburent aux sentiments, au désir, à la passion. Parler d’amour est d’une grande banalité mais son engagement est tel qu’il l’a fait, au cinéma, d’une manière unique, originale et puissante. Et si l’amour du cinéma est la chose la mieux partagée à Cannes, le sien, là encore, fera la différence. Car il y a chez ce cinéphile pur et dur une absence totale de dogmatisme. Et de soumission à des jugements établis. Connaître ses classiques ne l’empêche pas de garder une fraîcheur du regard et une curiosité étonnantes. On l’a vu défendre, ces dernières années, le méconnu La Niña de Fuego, de Carlos Varmut, comme Neruda, de Pablo Larain, La Grande Bellezza, de Paolo Sorrentino ou la Palme d’or de Kechiche, La Vie d’Adèle.

Depuis toujours, il ne se place pas en expert, traçant des lignes de démarcation entre bons et moins bons films, mais il communique et partage son enthousiasme de spectateur. Qui peut naître d’une fascination pour la forme. Mais qui surgit d’abord d’une vibration, d’une incarnation. Jamais théorique, son rapport au cinéma passe par les personnages et les acteurs qui leur donnent vie. Et par les histoires ! Avec sa passion des récits, qu’il déploie dans ses films, Almodóvar a une sensibilité au romanesque qui dépasse le simple rapport au scénario. Une histoire, ce n’est pas seulement des ingrédients, une structure, c’est aussi un cœur qui bat. Ecouter ces battements du cinéma pourrait être la mission que se donnera ce président. Qui s’est toujours fié à ses émotions. Avec de formidables résultats.

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