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Streaming : l'industrie de la musique s'interroge sur de possibles tricheries

¤ Le SNEP, syndicat de la filière musicale, a « détecté des anomalies » pour « certains artistes de rap hip-hop ». ¤ Des batteries d'ordinateur écoutant les morceaux pourraient servir à gonfler artificiellement le nombre de streams.

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Par Nicolas Madelaine

Publié le 2 févr. 2017 à 01:01

Le streaming par le biais de plates-formes comme Deezer ou Spotify, à qui l'industrie de la musique attribue sa renaissance, est peut-être entaché de distorsions au profit de certains artistes. Le Syndicat national de l'édition phonographique (SNEP), qui regroupe les principaux acteurs de la filière en France - dont des majors comme Universal, Sony et Warner -, a en effet « détecté des anomalies » : « Certains artistes de rap hip-hop cumulent des scores d'écoute démesurés sur les plates-formes de streaming audio », explique un document interne au SNEP daté du 24 novembre.

Certains artistes sont ainsi écoutés bien plus que les suivants au classement pendant plusieurs mois d'affilée et sur l'intégralité des titres de l'album. Pendant les périodes de sorties d'albums, la disproportion serait parfois particulièrement flagrante. Or, dans le même temps, « les performances de ces artistes sur les plates-formes de streaming audio sont loin d'être atteintes sur les autres canaux de distribution ou de diffusion de musique digitale », autrement dit les téléchargements et les visionnages sur YouTube. L' « impression » du SNEP est que des batteries d'ordinateurs pourraient tourner « en boucle et en continu » pour gonfler artificiellement les scores. « Petit calcul : un titre "écouté" 31 secondes (le seuil pour être pris en compte) en boucle via un logiciel génère 20.000 écoutes par semaine, explique le document du SNEP. Sachant qu'un titre classé dans le Top 10 hebdomadaire obtient en moyenne 1,4 million d'écoutes, 70 logiciels d'écoute en boucle suffisent pour propulser un titre dans le Top 10. » « Nous avons vu passer des publicités sur les réseaux sociaux venant d'entreprises qui offrent leurs services pour gonfler les scores de streaming, avec les tarifs clairement affichés », dit le dirigeant d'une société affiliée au SNEP. Pour s'offrir 500.000 écoutes sur Spotify, il suffit par exemple de débourser 1.500 euros.

Procédures de contrôle

Denis Ladegaillerie, le patron de Believe, la société qui assure la distribution de nombreux artistes de musique urbaine, affiche cependant son scepticisme. « Nous avons des procédures de contrôle désormais efficaces pour repérer les fraudes et ne pas les comptabiliser, explique-t-il. Ni nous, ni les Deezer, Spotify ou Apple Music n'avons constaté de problèmes récemment. » Et d'ajouter : « Normal que les majors se posent des questions quand elles perdent des artistes importants. »

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L'effet direct de telles distorsions sur le nombre de streams est d'augmenter les revenus des ayants droit. Mais cette technique permet aussi d'enclencher une dynamique : les radios, qui restent très prescriptrices des musiques que le public va écouter, regardent les titres les plus streamés et se basent sur ce classement pour les inclure dans leur programmation. Pour les artistes, les streams générés forment aussi la base des négociations de rémunération avec les maisons de disques.

Si elles étaient confirmées, ces tricheries poseraient aussi des questions de compensation. Pour calculer ce qu'elle reverse aux ayants droit, chaque plate-forme de streaming calcule leurs parts de marché en fonction du nombre total de streams enregistrés pendant une période donnée. Si les streams d'un artiste sont gonflés, il prend mécaniquement une part du gâteau aux autres.

Contacté, le SNEP a fait le commentaire suivant : « Certains artistes de musique urbaine ont pu atteindre ces derniers mois des volumes de consommation hors norme sur les plates-formes de streaming. Aucune étude n'a prouvé quoi que ce soit, si ce n'est le constat d'une consommation spectaculaire sur ces quelques artistes dont les fans sont très consommateurs de streaming, et ce dans un contexte où le marché retrouve la croissance grâce à ce mode de consommation. »

Nicolas Madelaine

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