Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Les Seychelles veulent sauver le « coco-fesses »

Le cocotier de mer est en voie de disparition. Son fruit, le plus gros du règne végétal, s’écoule à prix d’or sur les marchés asiatiques.

Par  (Ile de Praslin (Seychelles), envoyé spécial)

Publié le 01 février 2017 à 12h39, modifié le 01 février 2017 à 13h09

Temps de Lecture 3 min.

Un « coco de mer » ou « coco-fesses », sur l’île de Praslin, aux Seychelles, en 2012.

Marc Jean-Baptiste, administrateur du parc de la vallée de Mai aux Seychelles, hésite sur les mots pour qualifier le fruit qu’il a sous les yeux. « C’est une noix bilobée… elle ressemble à un cœur… ou si vous préférez, au bassin d’une femme », dit-il en tâtonnant, un peu gêné. L’objet a pourtant une forme plus qu’évocatrice : dans le monde entier, on le connaît sous le nom de « coco-fesses ».

Il n’y a guère qu’une poignée d’environnementalistes pour l’appeler par son nom officiel de « coco de mer ». Ce fruit, le plus gros de tout le règne végétal, qui pèse entre 20 kg et 45 kg pour une cinquantaine de centimètres de diamètre (dix fois plus qu’une pastèque), est aussi le symbole national des Seychelles, présent sur les frontons d’innombrables hôtels et restaurants, offert aux hôtes de marque, inscrit sur les visas d’entrée et les armoiries du pays.

Mais le coco-fesses est en danger. Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui a placé l’espèce dans sa liste rouge, il ne resterait guère plus que 8 282 cocotiers dans le monde et vivant à l’état sauvage, répartis dans moins de six sites et sur les seules îles seychelloises de Curieuse et Praslin.

La vallée de Mai, nichée au cœur de cette dernière et inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco, avec sa flore conservée dans son état quasi originel, ses geckos impassibles et ses perroquets rieurs, abrite l’une des plus grandes forêts de cocotiers de mer.

L’espèce a perdu 30 % de sa population en trois générations. « Et on estime que le phénomène pourrait se poursuivre dans la centaine d’années à venir », craint M. Jean-Baptiste. La faute, d’abord, au braconnage. Le drame du coco-fesses est d’être un fruit légendaire, très prisé en Asie, où on lui trouve des vertus (forcément) aphrodisiaques. Sa rareté en fait un produit de luxe, très rémunérateur pour les braconniers. Une coque vidée de coco-fesses se négocie ainsi autour de 300 euros l’unité, et plus de 400 euros le kilo si la pulpe (ou « kernel ») est encore comestible.

L’annus horribilis fut celle de 2014, lorsque 228 noix étaient arrachées aux cocotiers par les braconniers, pénétrant dans la vallée de nuit en profitant de l’absence de grillage et de surveillance. « C’était dramatique, car arracher les cocos a un impact direct sur leur processus de reproduction des cocotiers. Quand un arbre meurt aujourd’hui, il n’y en a pas de nouveau pour prendre sa place », insiste l’administrateur du parc.

Multiplication des patrouilles

Pour sauver le symbole de la nation, l’Etat a pris les grands moyens. « Nous avons multiplié les patrouilles et une force d’intervention spéciale a été créée », détaille Frauke Fleischer-Dogley, directrice de la Fondation des îles des Seychelles (SIF), organisme public chargé de la protection la vallée de Mai. La législation a aussi été renforcée : un braconnier de coco-fesses risque aujourd’hui 35 000 euros d’amende et deux ans de prison. « La situation s’est améliorée. Les cocotiers attaqués par les braconniers commencent à se régénérer. Nous n’avons eu une nette diminution des incidents ces derniers mois », assure Mme Fleischer-Dogley.

De son côté, le gouvernement souhaite favoriser une exportation légale des coco-fesses afin de couper l’herbe sous le pied des braconniers. Aujourd’hui, seules quelques noix tombées au sol sont ramassées chaque année et leur coque vidée vendue aux touristes. Seules trois entreprises disposent d’une licence pour extraire le kernel du coco-fesses et l’exporter à l’étranger.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Menacées par la montée des eaux, les Seychelles soignent leur océan

« Je pense qu’il faut se servir du coco comme l’Afrique le fait avec ses animaux ! », insiste le ministre du tourisme des Seychelles, Alain Saint-Ange. En 2014, une première « foire culinaire du coco de mer » était organisée à Praslin pour mettre en valeur le produit. « Mon idée, c’est de créer une usine de transformation du coco pour produire de la farine et de l’huile. Cela incitera à planter des arbres, sauvera le coco de mer et donnera une nouvelle source de revenus aux Seychellois ! »

Newsletter
« Chaleur humaine »
Comment faire face au défi climatique ? Chaque semaine, nos meilleurs articles sur le sujet
S’inscrire

Mais le lait de coco-fesses au supermarché n’est pas pour demain : il faut une bonne vingtaine d’années pour qu’un cocotier atteigne sa taille adulte et produise ses premiers fruits. « Et le braconnage n’est pas le seul danger pesant sur les cocos de mer ! », rappelle Marc Jean-Baptiste. A Praslin, 40 % des terres ont déjà été mises à nu par des incendies.

La vallée de Mai, avec ses 19,5 petits hectares, est particulièrement vulnérable. « A cause du changement climatique, il y a moins de pluie, plus de sécheresse : les risques de feu sont accrus, s’alarme Mme Fleisher Dogley. Un seul incendie suffirait pour que les derniers cocotiers sauvages disparaissent d’un claquement de doigt. »

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.