Le corps médical est endeuillé par le meurtre sauvage de Patrick Rousseaux, un généraliste retrouvé gisant dans son cabinet à Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir) mercredi, le corps lardé d'une cinquantaine de coups de couteau. Selon les premiers éléments de l'enquête, le suspect, atteint d'une pathologie psychiatrique lourde non dépistée jusque-là, aurait été pris d'une crise de démence en pleine consultation.

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Ce jeudi, Jean-Paul Ortiz, le président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), le premier syndicat de médecins libéraux, se dit "extrêmement ému et indigné". Il se rendra "personnellement au rassemblement silencieux" qui se tiendra mardi prochain à Chartres, pour exprimer son "soutien". Interview.

Ce drame aurait-il pu être évité?

Jean-Paul Ortiz: Ce drame émaille une longue série de problèmes de sécurité des médecins, et plus globalement du système de santé. Je passe les problèmes qu'il y a eus dans l'enceinte des urgences hospitalières, mais de mémoire, nous sommes face à quatre cas d'agressions ultra-violentes de médecins de ville en trois mois! Si l'on avait anticipé des mesures de sécurisation des cabinets, cela aurait pu se passer différemment. Je suis à la fois extrêmement ému et indigné, parce que cela fait des semaines que nous alertons les autorités à ce propos. J'ai interpellé les ministres de l'Intérieur [Bruno Le Roux] et de la Santé [Marisol Touraine] par courrier à deux reprises en disant qu'il fallait sécuriser l'exercice médical. Maintenant, il y a un mort! Va-t-on réagir ou faut-il attendre qu'il y en ait un deuxième?

Comment renforcer la sécurité des cabinets médicaux?

Il y a un certain nombre de dispositions à prendre, qui se sont déjà mises en place ici ou là, mais qui n'ont pas toujours l'accompagnement qu'elles devraient avoir de la part des autorités. Il faut, partout et chaque fois que cela est nécessaire, que l'on puisse avoir un appel aux services de police ou de gendarmerie immédiat. Dans les cabinets médicaux, il faut une priorisation des appels d'alarme, comme cela se fait pour les banques: le numéro du cabinet ou du portable du médecin est pré-enregistré par les forces de l'ordre, et en cas d'agression, il est immédiatement reconnu.

Ensuite, il faut faciliter la sécurisation des cabinets médicaux: aider l'installation de caméras de surveillance dans la salle d'attente et aux abords du cabinet médical, en fonction de sa situation géographique. Afin de préserver le secret médical, il est en revanche inimaginable de placer des caméras dans le bureau du médecin, et les bandes doivent s'effacer rapidement.

Enfin, le regroupement des professionnels de santé dans un même lieu favorise et simplifie l'exercice de leurs fonctions. Il est beaucoup plus compliqué de sécuriser des cabinets isolés plutôt qu'un lieu où plusieurs médecins seraient regroupés. C'est une politique de fond qu'il faut développer, afin d'accompagner ce mouvement de regroupement des cabinets médicaux, quel qu'en soit le modèle.

Que proposez-vous pour sécuriser l'exercice médical de façon plus large?

Il faudrait que le médecin soit considéré comme un praticien protégé d'un point de vue juridique, comme le sont les forces de l'ordre, par exemple. Dans l'exercice de ses fonctions, un médecin n'est pas une personne ordinaire. Dans beaucoup de quartiers difficiles, dans beaucoup de barres d'immeubles dans lesquelles ne pénètrent ni les pompiers ni la police, le seul qui rentre, c'est le médecin. C'est une réalité. Donc il faut le protéger car il est le dernier professionnel qui arrive à maintenir le lien social dans des endroits extrêmement sensibles. Et lorsque qu'un médecin est de garde, il faut qu'il y ait possibilité d'un accompagnement par un chauffeur. Sinon, les médecins risquent de ne plus se rendre dans ces quartiers.

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