Tribune : quand l’Inde tente d’imposer le silence sur ses atrocités au Cachemire
Il s’agissait à tout prix de l’empêcher de dénoncer les atrocités commises par l’armée indienne sur la population civile du Jammu-et-Cachemire lors de la 33e session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. « Ils devaient aussi arrêter Parvez Imroz et Kartik Murukutla, deux avocats défenseurs des droits de l’homme, qui se rendaient également à Genève, mais par un autre vol que moi, précise Khurram Parvez. Une erreur administrative a joué en leur faveur et ils ont pu prendre leur vol. »
Témoignages sur la brutalité des soldats indiens
Le jour des funérailles, une impressionnante marée humaine, près de 200 000 personnes en colère, certains agitant l’étendard pakistanais, participent aux obsèques de Burhan Wani, dont la dépouille est enveloppée du drapeau pakistanais alors que nous sommes au Cachemire contrôlé par l’Inde. Ici, certains rêvent d’appartenir au Pakistan. Le 15 juillet, alors que les mouvements de protestation grondent dans la vallée, l’État indien impose un couvre-feu qui durera 79 jours. Réseaux mobiles et Internet sont également paralysés.
Malgré le couvre-feu, les Cachemiris sortent régulièrement dans la rue, bravant les Forces de sécurité indiennes qui n’hésitent pas à tirer. Depuis le mois de juillet, plus d’une centaine de civils ont été tués, une dizaine de milliers blessés, dont plusieurs centaines ont perdu la vue, victimes des tirs de grenailles de l’armée, femmes et enfants compris. Raids dans les villages, détentions arbitraires et illégales, disparitions forcées, actes de tortures contre les civils se succèdent dans la vallée. Les témoignages de la brutalité des soldats abondent, comme celui-ci par exemple : « D’abord, l’électricité a été coupée, puis les soldats ont commencé à attaquer notre maison. Ils nous ont battus, y compris ma nièce de dix ans », a raconté à l’AFP un homme depuis son lit d’hôpital. Ou encore : « Pendant le raid, l’armée et les hommes du SOG [Special Operations Group, NDLR] se sont introduits dans les maisons, ont saccagé les provisions et battu les occupants, blessant une douzaine de personnes dont des femmes et des enfants. Les soldats ont aussi emmené une trentaine de jeunes avec eux dans leur camp où ils les ont battus », relatent les habitants d’un village où le corps sans vie d’un instituteur de trente ans, Shabir Ahmad Mangoo, battu à mort, a été trouvé au matin d’un raid. Il faut savoir que le nombre de soldats déployés au Jammu-et-Cachemire approche 700 000, soit un soldat pour une quinzaine de civils, ce qui en fait la région la plus militarisée au monde.
Contradictions dans les médias
« Je demande, a déclaré Nawaz Sharif devant l’ONU, de la part du peuple cachemiri, de la part des mères, épouses, sœurs et pères des enfants, femmes et hommes qui ont été tués, rendus aveugles et blessés, de la part de la nation pakistanaise, une enquête indépendante sur les exécutions extrajudiciaires ainsi qu’une mission d’établissement des faits pour enquêter sur les brutalités commises par les forces d’occupation indiennes, afin que les responsables de ces atrocités soient punis. »
Trois jours après l’attaque d’Uri, les médias indiens annoncent, comme un fait divers, l’arrestation de deux écoliers pakistanais habitant un village situé à une heure de marche de la Ligne de Contrôle, qu’ils auraient franchie par inadvertance, s’étant égarés. Selon le Hindustan Times, il s’agit d’une erreur et les deux adolescents, Ahsan Khursheed et Faisal Hussain Awan, devraient être rapatriés le lendemain : « Après une enquête minutieuse, nous avons établi que les garçons disaient la vérité et n’avaient aucune intention criminelle », confiera un officiel, sous couvert d’anonymat, au célèbre quotidien indien.
Pourtant, les adolescents ne réapparaissent toujours pas et quelques jours plus tard les médias indiens changent radicalement de version des faits : les collégiens de seize ans deviennent des hommes de 19 ans, qui, après interrogatoires, auraient avoué avoir servi de guide aux terroristes. Or les adolescents ont été arrêtés le 21 septembre, soient trois jours après l’attaque d’Uri. L’on sait ce que peuvent être les interrogatoires au Jammu-et-Cachemire… Il fallait accuser le Pakistan, ces adolescents n’étaient-ils pas tout trouvés pour constituer la « preuve » manquante ?
S’ensuivent ce que l’Inde appelle des « frappes chirurgicales » contre le Pakistan, depuis l’autre côté de la Ligne de Contrôle. En réalité, de nombreux villageois, dont des enfants, sont touchés par les tirs des soldats indiens. Le 24 octobre, 2 personnes dont un bébé sont tués. Le 28, ce sont 3 personnes, dont une femme et une jeune fille ; le 19 novembre, 4 adolescents, et quatre jours plus tard, 8 passagers d’un bus sont tués, 9 autres blessés ; le 16 décembre, un bus scolaire est la cible des tirs indiens, 1 enfant perdra la vie, quatre autres seront blessés.
Aujourd’hui, plus de quatre mois après l’enlèvement des deux collégiens, les familles, désespérées, sont toujours sans nouvelles. Une lueur d’espoir cependant commence à poindre depuis qu’un officiel de la NIA (National Investigation Agency), l’agence indienne de lutte contre le terrorisme, a commencé, anonymement, à parler à la presse en Inde. Selon lui, il n’y avait toujours aucune preuve de leur culpabilité fin janvier et il évoquait la possibilité que les garçons, « aient peut-être été effrayés ou contraints, lorsqu’ils avaient donné leurs premiers témoignage ».
En attendant, brutalités et violations des droits de l’homme envers la population cachemirie continuent au Jammu-et-Cachemire, malgré les dénonciations régulières auprès des Nations Unies.
Soutenez-nous !
Asialyst est conçu par une équipe composée à 100 % de bénévoles et grâce à un réseau de contributeurs en Asie ou ailleurs, journalistes, experts, universitaires, consultants ou anciens diplomates... Notre seul but : partager la connaissance de l'Asie au plus large public.
Faire un don