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Aux Pays-Bas, des églises reconverties en lieux de vie

Salle d’exposition ou de concert, librairie, boîte de nuit, espace pour faire du trampoline : les Néerlandais, de moins en moins croyants mais toujours attachés à leurs clochers, transforment d’anciens lieux de culte.

Par  (Vienne, correspondante)

Publié le 31 janvier 2017 à 15h50, modifié le 31 janvier 2017 à 15h50

Temps de Lecture 2 min.

« Labyrinth », de Marinus Boezem (2016), à l’Oude Kerk.

Une paire de souliers au cuir usé et aux lacets défaits est posée au bord du toit de l’Oude Kerk (« vieille église » en néerlandais), le plus ancien édifice d’Amsterdam, qui date du XIVsiècle. Pour quel saut dans l’azur s’est envolé leur propriétaire, l’artiste Marinus Boezem ? Jusqu’à fin mars, dans ce bâtiment religieux catholique, sont installées des œuvres in situ du plasticien de 82 ans, et l’un des pionniers de l’art conceptuel aux Pays-Bas. Mais l’église n’est pas abandonnée. Y sont encore célébrées des messes. Jacqueline Grandjean, directrice de l’Oude Kerk, précise : « Elle avait beaucoup souffert pendant la seconde guerre mondiale, et une fondation l’a rachetée en 1955, afin de la restaurer, à condition de réserver des horaires pour les offices religieux. »

Cette dimension cultuelle n’a pas effrayé Marinus Boezem, bien au contraire : « Maintenant que la religion joue un rôle moindre, il est intéressant d’explorer d’autres usages de ces grands espaces. Les églises peuvent devenir un médium, le plus court chemin entre les gens et une idée. » Son œuvre la plus connue est la « cathédrale verte », faite de peupliers plantés selon le plan de Notre-Dame de Reims, inaugurée en 1978 dans le Flevoland, une province gagnée sur la mer.

La « cathédrale verte » de Marinus Boezem filmée par un drone par Dronesky.nl

Cette exposition de Boezem à l’Oude Kerk n’est pas une exception. Les Pays-Bas sont la nation d’Europe qui a transformé le plus d’églises en tout autre chose que ce pour quoi elles furent construites.

Bureaux, appartements, restaurants, centres culturels, voire boîtes de nuit et espaces pour faire du trampoline – le Planet Jump, à La Haye –, il n’y a ni limite ni tabou. Une librairie, qui accueille 700 000 visiteurs par an, a ainsi été ouverte au cœur de Maastricht, dans une ancienne église dominicaine (Boekhandel Dominicanen) : on peut y boire son café sur une table de céramique en forme de croix. Non loin de là, un hôtel de luxe (Kruisherenhotel) a été aménagé dans un cloître Renaissance et l’église attenante, superbement illuminée par le designer Ingo Maurer. Même si le Bureau central des statistiques ne peut fournir de chiffres précis, les exemples de cette conversion architecturale abondent.

Mick Jagger est dans la nef

L’idée est ancienne : à commencer par l’église qui abrite la célèbre salle de concert pop d’Amsterdam, le Paradiso (les Rolling Stones y ont enregistré un de leurs CD), qui a ouvert dès 1968 ses portes aux foules en délire ravies de se trémousser sous la nef néogothique. Ce n’était que le début d’une évolution inexorable : si, en 1966, 33 % de la population des Pays-Bas se déclaraient sans aucune attache religieuse, ils étaient 68 % en 2015. Les catholiques, qui représentaient il y a un demi-siècle 35 % des chrétiens néerlandais, ne sont plus que 12 %, à peine moins que les protestants, et les prêtres encore en activité ont souvent fêté leurs 80 ans.

Qui allait assurer l’entretien de tous ces bâtiments, dont les flèches et les clochers font encore la fierté des centres urbains ? Avec leur pragmatisme proverbial, les Néerlandais ont cherché des solutions concrètes. C’est désormais une part du paysage, révélatrice des évolutions de la société. Et, à l’Oude Kerk ou ailleurs, on ne saurait mieux dire que, dans le monde d’aujourd’hui, l’art et les loisirs ont pris une place aux côtés de la religion, si ce n’est sa place.

Installations de Marinus Boezem et programme de concerts à l’Oude Kerk. Jusqu’au 26 mars 2017. www.oudekerk.nl

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