Policiers accusés de viol à Aulnay : situation tendue à la cité des 3 000

Dans la cité de la Rose des vents, (appelée la cité des 3 000), des violences ont éclaté samedi soir. Une situation qui fait suite à l'interpellation jeudi soir d'un jeune homme qui accuse les policiers de viol.

    Des affrontements ont eu lieu samedi soir, vers 20h30, dans la cité de la Rose des Vents, à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Les habitants font évidemment le lien avec le contrôle de Theo au cours duquel le jeune homme a été sérieusement blessé par des policiers jeudi. « 80 personnes, encagoulées ou encapuchonnées déambulant dans la cité ont été vues » indique une source proche du dossier.


    Rue Edgar-Degas, précisément où a eu lieu l'interpellation musclée, une voiture Autolib' a été incendiée vers 21 heures et rapidement éteinte par les pompiers. Des dizaines de cocktails Molotov ont été retrouvés et des plots en plastiques enflammés ont été projetés. Un important dispositif de policiers casqués a été déployé dans la cité. Plusieurs groupes de jeunes se sont également rassemblés à divers endroits du quartier. Vers minuit, le calme semblait revenu, même si la tension était palpable.

    VIDEO. Policiers accusés de viol à Aulnay : un témoin raconte

    Le contrôle de police qui a dérapé, jeudi vers 17 heures, a débouché sur une enquête pour viol, visant les forces de l'ordre.
    A l'issue de quarante-huit heures de garde à vue à l'IGPN (inspection générale de la police nationale), plusieurs gardiens de la
    paix du commissariat local ont été déférés hier soir au parquet de Bobigny et placés au dépôt en attendant d'être présentés à un
    juge ce matin. Les soupçons initiaux pourraient cependant être abandonnés au profit de poursuites pour violences aggravées
    par personne dépositaire de l'autorité publique.

    Du côté des services de l'Etat, on tente de calmer le jeu : « La procédure judiciaire se déroule normalement, les fonctionnaires mis en cause ont été placés en garde à vue, la justice fait son travail. Il faut garder son calme. »

    Deux versions s'opposent, celle des riverains et celles des intervenants. Aux premières loges, Omar, 30 ans, raconte : « Quatre policiers en voiture banalisée sont arrivés, pour encercler un petit groupe de jeunes. Le ton est monté, l'un a pris une gifle. » Ce que confirme Sirou : « Le policier m'a giflé car il pensait que j'avais crié pour alerter les guetteurs. » Théo, qui passait par là, tente alors de s'interposer. « Il n'y a pas eu de provocation de sa part ! Mais les policiers l'ont roué de coups. Il bavait du sang », poursuit Omar. Sur des vidéos amateurs que nous avons pu consulter, on voit Théo se faire violemment plaquer au sol et subir des coups, avant de se relever en boitant, une chaussure en moins et le visage tuméfié. « C'est un jeune respecté au quartier, sportif et sans histoire », assurent ceux qui le connaissent. La police confirme qu'il n'a rien d'un délinquant. Depuis jeudi la cité gronde. « Marre des cow-boys », souffle un jeune.

    De leur côté, les policiers disent avoir été insultés à leur passage, ce qui a justifié le contrôle. Selon le rapport d'intervention, ils ont même dû utiliser des grenades de désencerclement. Pour comprendre la suite, les enquêteurs disposent d'images de vidéosurveillance de la ville. On y verrait les fonctionnaires pris à partie reculer puis tenter d'arrêter Théo, l'un des plus virulents.

    Lors de l'altercation, le jeune homme perd son survêtement, qui glisse jusqu'aux mollets. Les policiers tentent de l'entraver pendant qu'il se débat en caleçon. L'un d'eux le frappe à coups de matraque télescopique. Mais l'un des coups est porté « en piqué », de manière non réglementaire, comme pour viser le bas-ventre. L'homme chute. Il est aussitôt menotté à terre. Les agents ne semblent pas à ce stade avoir conscience des blessures occasionnées. « Le coup n'aurait jamais dû être porté, mais il n'y avait en revanche aucune connotation sexuelle, ni volonté d'humiliation », estime une source proche de l'enquête.

    C'est en arrivant au commissariat que les agents, âgés de 24, 27, 28 et 36 ans, auraient réalisé la gravité des blessures. Les médecins constatent sur la victime une plaie importante avec déformation au niveau de l'anus, occasionnant soixante jours d'incapacité temporaire de travail. La famille a décidé de faire appel à l'avocat Eric Dupond-Moretti. Le policier à la matraque pourrait s'exposer à des sanctions administratives « s'il était avéré que les règles déontologiques [...] n'ont pas été scrupuleusement respectées », a indiqué, dans un communiqué, Bruno Le Roux, le ministre de l'Intérieur.