CANCERCertains cancers touchent plus les pauvres et d’autres les riches

Pourquoi certains cancers touchent plus les pauvres et d’autres cancers les riches?

CANCERUne étude révélée ce mardi montre que les cancers des voies respiratoires touchent davantage les plus pauvres en France...
Illustration d'une patiente souffrant d'un cancer du sein à l'Institut Curie.
Illustration d'une patiente souffrant d'un cancer du sein à l'Institut Curie.  - Institut Curie
Oihana Gabriel

Oihana Gabriel

De longues études et un bon salaire protègent-ils des cancers ? Non, si l’on en croit l’étude dévoilée ce mardi par Santé Publique France, la première en France à s’intéresser aux critères socio-économiques (capital financier, culturel, diplômes) des personnes atteintes d’un cancer*. Et les résultats ont de quoi intéresser : certains cancers touchent davantage les personnes défavorisées… et d’autres les personnes plus riches.

Quels cancers touchent plus les pauvres ?

Le bulletin épidémiologique hebdomadaire publié ce mardi dévoile que les cancers des voies respiratoires et du col de l’utérus sont plus fréquents chez les populations défavorisées. Selon l’étude, « la part des cas de cancers attribuables à la défavorisation sociale était la plus importante pour les cancers du larynx (30,1 %), des lèvres-bouche-pharynx (26,6 %) et du poumon (19,9 %) chez l’homme, et pour les cancers des lèvres-bouche-pharynx (22,7 %) et du col de l’utérus (21,1 %) chez la femme ».

Traduction ? « Si demain toute la population avait le niveau socioéconomique de la catégorie la plus favorisée en France, on réduirait le nombre de cancers du poumon et du col de l’utérus d’environ 20 % », explique Joséphine Bryère, chercheuse et co-auteure de l’étude. « Et 15.000 décès seraient ainsi évités chaque année. C’est énorme ! » Comment expliquer ces disparités face au cancer ?

Tabac, alcool, exposition aux polluants

« La principale explication est liée au tabagisme, souligne Pierre Bey, professeur émérite et conseiller à l’Institut Curie. Il y a quarante ans, 52 % des hommes fumaient contre 37 % aujourd’hui. Et le tabac touche beaucoup plus les personnes défavorisées. Les couches sociales privilégiées ont arrêté de fumer ou ne sont pas tombées dans le tabac. » En effet, une étude de Santé Publique France montrait qu’en 2010, un chômeur sur deux fumait.

Or, les risques de tous les cancers des voies respiratoires (poumon, larynx, lèvres-bouche) sont multipliés avec le tabac. Tout comme pour le cancer du col de l’utérus : « des études ont montré que le tabac a un impact immunologique local sur ce cancer », assure le Professeur Bey.

Mais au-delà du tabac, « la survenue plus fréquente des cancers chez les personnes défavorisées s’expliquent par des comportements à risque (boire trop, fumer trop, manger moins de légumes verts et de fruits frais, nourriture industrielle) et celles-ci sont exposées davantage au travail aux facteurs cancérigènes de l’industrie (goudrons, amiante, aux radiations ionisantes, pesticides) », ajoute Nicole Delépine, oncologue.

La question de la prévention

Enfin, troisième hypothèse : ces personnes ne sont pas toujours bien informées et bien suivies médicalement. « Quand on vit dans une extrême pauvreté, la santé n’est pas une priorité et encore moins la prévention », synthétise Pierre Bey. Ce qui a un impact sur certains cancers. « C’est très net concernant le cancer du col de l’utérus. Les personnes les plus pauvres, notamment les migrants, ne vont pas faire de frottis ».

Quels cancers touchent davantage les plus riches ?

Plus surprenant, certaines pathologies touchent davantage les plus favorisés : cancer de la prostate et du sein. « On avait déjà observé il y a une dizaine d’années une corrélation entre le niveau d’études élevé et le risque de cancer du sein, reprend Pierre Bey. Ces femmes diplômées ont moins d’enfants, plus tard et allaitent moins souvent que la moyenne nationale. Trois facteurs qui font baisser le risque de cancer du sein. »

Selon l’étude, « pour le cancer de la prostate et, dans une moindre mesure, pour le cancer du sein, ces différences peuvent être dues à la détermination sociale de la pratique du dépistage et du sur-diagnostic qui lui est lié. » En clair, les plus éduqués sont aussi les mieux informés et ceux qui participent aux opérations de dépistage de ces deux cancers médiatisés. « Et ce sont aussi ceux qui vivent le plus longtemps, rappelle Pierre Bey. Or ces deux cancers apparaissent exponentiellement avec l’âge. » En effet, environ 80 % des cancers du sein et de la prostate sont diagnostiqués après 50 ans.

Les cancers qui touchent plus les pauvres sont plus mortels

« On a longtemps dit que le cancer était la maladie des pays riches, on pourrait presque avancer que c’est plutôt la maladie des pauvres des pays riches, analyse Pierre Bey. Car les cancers qui touchent davantage les plus pauvres sont aussi les plus mortels : on est toujours à 15 % de chance de survie pour le cancer du poumon, contre plus de 80 % pour le cancer de la prostate et du sein. »

*L’analyse a porté sur 189 144 personnes ayant eu un cancer entre 2006 et 2009 et habitant dans l’un des 16 départements couverts par un registre en France.

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