transition energetique

Le potentiel économique de la transition énergétique

Pour Paul Malliet, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), la France a une opportunité historique économique à saisir grâce à la transition énergétique. Interview.

En quoi la transition énergétique est opportune à court terme pour l’économie française ? 

L’opportunité de la transition énergétique, à l’horizon de cinq ans, est réelle. D’abord pour des raisons macroéconomiques conjoncturelles avec un environnement historiquement favorable ; Bien que les taux d’intérêt à long terme restent bas, le niveau en investissement public a reculé ces dernières années sous l’effet des politiques de rigueur budgétaire, alors que leurs effets positifs à long-terme sont réels (1). La rentabilité des investissements est en effet avérée du côté des énergies renouvelables. Pour l’éolien, nous sommes à des prix compétitifs avec un coût de 57 à 90 euros le mégawattheure selon la dernière étude de l’Ademe. Pour le photovoltaïque au sol, nous sommes entre 74 et 135 euros le mégawatheure. Maintenant, il existe aussi de forts potentiels économiques du côté de la demande énergétique, notamment à travers la rénovation thermique du bâti. D’après nos estimations, dans un scénario de long terme de transition énergétique, nous aurions un surplus en investissement total de 19 Milliards d’euros, qui se répartissent en 30% portant sur la rénovation thermique, 40% pour l’éolien et 20% pour le solaire.

Préconisez-vous une accélération de cette transition énergétique au cours du prochain quinquennat ? Si oui, quels sont les objectifs ?

La question du prochain quinquennat est éminemment stratégique et centrale dans l’amorce de la transition énergétique. Nous sommes déjà dans un contexte législatif où le vote de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte donne des objectifs chiffrés : une réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030 et 75% jusqu’en 2050. Nous avons ensuite l’objectif d’une réduction de notre consommation énergétique finale de 50% en 2050 par rapport à 2012, une baisse de notre consommation énergétique primaire d’énergies fossiles de 30 % en 2030 par rapport à 2012. Enfin, la loi prévoit de passer la part des énergies renouvelables à 32% de la consommation finale d’énergie en 2030.

Ce cadre législatif complet permet de respecter nos engagements internationaux en matière de décarbonations de l’économie. Or la France est déjà en retard sur ses objectifs. 14,9% de l’énergie finale provient de sources renouvelables, alors qu’elle aurait déjà dû atteindre 17% pour rester sur la trajectoire des 23% en 2020.

Le prochain quinquennat est celui où se poseront ces arbitrages et devront du coup impulser cette transition. Il y a un train à prendre et une opportunité économique à saisir. L’investissement sur les énergies renouvelables est assurément plus sûr qu’une dépendance énergétique lié à un contexte international instable.

Si la France suit sa feuille de route sur le mix énergétique, combien d’emplois pourraient être créés ? Quelles filières pourraient en bénéficier ?

Lors des cinq prochaines années, si le cadre est respecté, nous avons estimé que 190 000 emplois pourraient être créés d’ici 2022 (2). Ces emplois, locaux, viendraient principalement des services liés à la fois l’entretien et la maintenance des énergies renouvelables. La construction, avec les chantiers de rénovation thermique, serait également positivement impactée avec 40 000 emplois. A plus long terme, toujours selon une étude réalisée avec l’Ademe, 700 000 emplois pourraient être créés en 2050.

Quelles seraient les conséquences d’une décarbonation totale de l’économie française ?

Selon nos études, une décarbonation complète du mix électrique telle que la propose l’ADEME dans son scénario 100% renouvelables aurait un effet global positif avec un impact de 1,3% sur le PIB à l’horizon 2022, notamment grâce aux investissements induis par cette transition. Jusqu’à 270 000 emplois pourraient ainsi être créés d’ici 2030.

Une décarbonation complète telle que la propose l’association Négawatt dans son dernier scénario aurait également un impact fort sur l’emploi pour les mêmes raisons évoquées ci-dessus.

De manière générale, on observe qu’il n’est pas pertinent d’opposer des effets économiques récessifs à une politique de réduction de nos émissions de carbone.

Quelle place pourrait jouer la fiscalité écologique dans cette transition énergétique ?

Compte tenu du besoin de décarbonation rapide de nos économies lié à la lutte contre le réchauffement climatique, la fiscalité écologique, qui existe déjà notamment avec la contribution climat énergie, a un rôle de premier plan à jouer. Le prix du carbone doit continuer à s’inscrire dans une trajectoire à la hausse pour donner des signaux perceptibles aux investisseurs et ainsi permettre le développement de certaines filières. En 2030, le prix du carbone devrait s’élever à 100 euros.

Ensuite il faut évoquer la question du système européen d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre (ETS), pierre angulaire de la politique européenne de lutte contre le changement climatique, qui est aujourd’hui inefficace. Nous sommes à un prix actuel de 5 euros la tonne, conséquence directe d’une sur-allocation des quotas qui en nombre trop important de par rapport aux émissions réelles ne jouent pas pleinement leur rôle incitatif. Cela ne donne pas la possibilité d’utiliser cet instrument comme un levier pour permettre des investissements dans les ENR et il est donc nécessaire de réformer le marché ETS. Enfin, la fiscalité carbone aux frontières est un point important qui sera sans doute à prendre en considération pour les prochaines années dans la construction d’une architecture de politique climatique internationale. L’empreinte carbone des Français, entre ce qui est produit sur le territoire et ce qui est consommé via les importations, n’est pas du tout la même ! Cette question de la finance carbone internationale avec des ajustements aux frontières devra à la fois être mise sur la table pour donner à la fois des moyens supplémentaires à un fonds vert international, et jouer un rôle de levier de financement dans la transition énergétique.

 

(1) : Xavier Ragot 2016 « Investissement public, capital public et croissance »

 

(2) : Aurélien Saussay, Gissela Landa, Paul Maliet « Changer de Mix : Urgence et opportunité de la transition énergétique en France »

 

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