Présidentielle : l'arrière-goût russe des rumeurs visant Emmanuel Macron

En l'espace de deux jours, des sites d'information soutenus par le pouvoir russe ont réussi à dépeindre Emmanuel Macron en vassal d'Hillary Clinton et candidat du «très riche lobby gay». La Russie serait-elle en train de s'immiscer pour de bon dans la campagne présidentielle française ?

«Chouchou» des médias, «agent» américain et du secteur bancaire, pantin du lobby gay, homosexuel menant double-vie, amant de Mathieu Gallet... Emmanuel Macron est depuis quelques jours la cible de nombreuses rumeurs sur Internet, reprises par des sites d'information financés par le Kremlin.
«Chouchou» des médias, «agent» américain et du secteur bancaire, pantin du lobby gay, homosexuel menant double-vie, amant de Mathieu Gallet... Emmanuel Macron est depuis quelques jours la cible de nombreuses rumeurs sur Internet, reprises par des sites d'information financés par le Kremlin. LP / Olivier Corsan

    «Assange va jeter de l'huile sur le feu de la campagne présidentielle en France», titrait, vendredi dernier, le journal russe Izvestia, comme un avant-goût de ce qui nous attendait. A l'appui : une interview du fondateur de Wikileaks, Julian Assange, expliquant être en possession d'emails d'Hillary Clinton contenant des «informations intéressantes» sur Emmanuel Macron.

    Deux jours plus tôt, Wikileaks avait en effet publié un e-mail du directeur de la campagne présidentielle d'Hillary Clinton, John Podesta, et daté du 2 septembre 2015.

    Intitulé «Rencontre à Paris avec Manuel Valls», le courriel récupéré par WikiLeaks évoque une invitation du Premier ministre français et de son ministre de l'Economie Emmanuel Macron, destinée à Hillary Clinton, pour un dîner, suivi le lendemain de tables rondes en présence de nombreux dirigeants politiques européens. Parmi les thèmes abordés : la mondialisation ou encore le discours politique à adopter pour contrer la droite et les populistes.

    « Des informations plus compromettantes » à venir

    Loin de contenir des informations fracassantes, ni quelconque révélation, l'information est pourtant reprise sans tarder par les sites d'information soutenus par le pouvoir russe et ayant pignon sur web à l'ouest : Sputnik et RT, deux médias connus pour alimenter sur les réseaux sociaux les comptes de sympathisants de la droite dure ou du FN.

    Annonçant des «révélations», Sputnik juge que, «vu l'impact de WikiLeaks sur la présidentielle américaine, il n'est pas surprenant que le monde soit de plus en plus intéressé par les fuites à venir». Même «avertissement» chez RT : «Les dernières déclarations de Julian Assange aux médias russes laissent penser que des informations plus compromettantes sur Emmanuel Macron pourraient être révélées».

    Julian Assange se défend

    Le député pro-Kremlin Nicolas Dhuicq à la manoeuvre


    Mais c'est le lendemain, samedi, qu'un cap est franchi. Sputnik revient à la charge en donnant la parole au député LR Nicolas Dhuicq, partisan de Vladimir Poutine et de Bachar al-Assad, et secrétaire du groupe d'amitié France-Russie à l'Assemblée nationale.

    La ligne de la désinformation est alors franchie et Macron devient soudain un «agent» des Etats-Unis oeuvrant pour le seul intérêt des banques. «Tout au long de sa carrière, (Emmanuel Macron) a agi en tant qu'agent du grand système bancaire américain, clame Nicolas Dhuicq. Je pense que le seul objectif du gars est d'assouvir ses ambitions personnelles, puisqu'il n'a pas l'intention de poursuivre sa carrière en politique s'il perd à l'élection présidentielle». Le tout affirmé sans preuve.

    Et le député de l'Aube de verser ensuite carrément dans la rumeur et dans un discours aux relents conspirationnistes. L'intimité de l'ancien ministre de l'Economie est attaquée : «Concernant sa vie privée, ça commence à se savoir à l'heure où nous parlons», glisse Nicolas Dhuicq, en écho aux ragots ayant explosé ces derniers jours sur les réseaux sociaux, comme l'a notamment montré Reputatio Lab, autour de la prétendue homosexualité d'Emmanuel Macron.

    «Macron est quelqu'un qu'on appelle le chouchou ou le chéri des médias français, qui sont détenus par un petit nombre de personnes, comme tout le monde le sait (...) Par ailleurs, l'un de ses soutiens est le célèbre homme d'affaires Pierre Bergé, un associé et amant de longue date d'Yves Saint-Laurent, qui est ouvertement homosexuel et défend le mariage pour tous.» Nicolas Dhuicq est formel : derrière Macron, c'est un «très riche lobby gay» qui est à l'oeuvre...

    Face aux rumeurs, Macron démine

    Ce n'est pas la première fois qu'Emmanuel Macron est confronté à ce genre d'allégations. En novembre, lors d'une émission organisée par Mediapart, il avait déjà pris les devants pour briser les rumeurs. «Je n'ai pas de double vie et je tiens plus que tout à ma vie familiale et maritale», avait-il affirmé.

    Le candidat d'En Marche! semble aujourd'hui adopter la même stratégie : déminer au plus vite. Notamment en contre-attaquant par l'humour. «Pour mettre les pieds dans le plat, si dans les dîners en ville, si dans les boucles de mails, on vous dit que j'ai une double vie avec Mathieu Gallet ou qui que ce soit d'autre, c'est mon hologramme qui soudain m'a échappé mais ça ne peut pas être moi!», a-t-il lancé lundi lors d'un meeting de ses soutiens au théâtre Bobino, à Paris, en référence à la performance technique de la veille de Jean-Luc Mélenchon, dont le meeting à Lyon était dédoublé grâce à son hologramme.

    Dénonçant «ceux qui voudraient faire courir l'idée que je suis duplice, que j'ai des vies cachées ou autre chose», Macron a rétorqué : «D'abord, c'est désagréable pour Brigitte», son épouse. Mais, «je vous rassure, comme elle partage tout de ma vie, du soir au matin, elle se demande simplement comment physiquement je pourrais». «J'ai toujours assumé qui j'étais», a-t-il répété. Suffisant pour faire taire les rumeurs ?