50 ans après sa légalisation, le désamour des Françaises pour la pilule contraceptive

CONTRACEPTION. Légalisée il y a cinquante ans, la pilule reste le moyen le plus utilisé, mais de plus en plus de femmes s'en détournent.

    C'est un petit timbre, en souvenir du droit des femmes à vivre enfin librement leur sexualité, que présentera ce matin aux députés Marisol Touraine, la ministre de la Santé. Il commémore les 50 ans de la pilule contraceptive. Un événement célébré du bout des lèvres.

    C'est que, depuis le vote le 27 décembre 1967 de la loi portée par le gaulliste Lucien Neuwirth, qui permit d'en légaliser l'usage, cette petite pilule, symbole d'une liberté nouvelle, celle de pouvoir faire l'amour sans risquer d'avoir d'enfant, n'a plus la cote. Comme le souligne l' Institut national d'études démographiques (Ined), «elle reste aujourd'hui la méthode de contraception la plus utilisée en France, mais sa suprématie est remise en cause depuis quelques années».

    La faute à Diane 35

    Chez les 15-49 ans, moins d'une femme sur deux y a désormais recours. Et c'est chez les moins de 30 ans qu'on la boude de plus en plus. Comme si, entre la pilule et les femmes, c'était «je t'aime moi non plus». «On sent un désamour, confirme Israël Nisand, le nouveau président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). Pour elles, la pilule reste une amie, mais c'est une amie dont elles ont appris à se méfier.»

    La faute à l'affaire Diane 35. Quand, en janvier 2013, les femmes découvrent que les pilules dites de 3 e et 4 e  générations présentent un risque accru d'AVC (accident vasculaire cérébral), c'est l'électrochoc, avec, dans les six mois qui suivent, un bond de 5 % des IVG (interruptions volontaires de grossesse). Dans la panique, certaines ont préféré tout arrêter, sans avoir recours à un autre moyen de contraception.

    Une plus grande vigilance vis-à-vis des prescriptions

    Néanmoins, avec le recul, Bernard Hédon, comme son confrère Israël Nisand, estime que cette crise n'a pas eu que des effets délétères : «Depuis, on assiste à un plus grand sérieux dans les prescriptions.»

    Les femmes y ont gagné aussi en vigilance. «Elles en étaient arrivées à prendre la pilule sans y prêter attention. C'était probablement trop ! En redécouvrant que c'était un geste médical, elles ont retrouvé leur mot à dire, le droit d'exiger informations et explications», se félicite Israël Nisand.

    Elles ont également changé leur fusil d'épaule. Car la pilule, peut être... un sacré boulet. «Davantage de femmes, même sans enfants, se tournent vers le stérilet ou les implants, et cela aussi c'est bien», poursuit le spécialiste. Mais gare au mouvement de balancier trop brusque : «Beaucoup de mères ne veulent plus que leurs filles prennent la pilule au nom «du tout sauf des hormones». C'est la même défiance que vis-à-vis des vaccins ou de la mammographie », remarque-t-il, inquiet face au retour des vieilles méthodes contraceptives d'antan, dites naturelles (retrait, dates) bien moins efficaces et beaucoup plus aléatoires. Comme si les femmes se privaient elles-mêmes du droit de ne pas avoir d'enfant.