Partager
Santé

La Cour des comptes dénonce l’aide de l'Etat aux débitants de tabac

Les aides accordées aux buralistes pour qu’ils trouvent d’autres sources de revenus que le tabac va à l’encontre des objectifs de santé publique, dénonce la Cour des comptes.

réagir
Un buraliste prend un paquet de cigarette dans son rayon, à Lille le 04 octobre 2010. Le paquet de cigarettes neutre pourra être vendu à partir de vendredi en France

Un buraliste à Lille en octobre 2010.

(c) Afp

PRÉPOSÉS. Pour faire baisser la consommation de tabac, les pouvoirs publics augmentent depuis deux décennies le prix du paquet, et tentent de détourner les consommateurs de ce produit notamment en agissant sur le marketing. Dernière étape en date de cette politique, le paquet neutre est présent dans les linéaires depuis le printemps dernier. Le but sanitaire est évident : le tabagisme actif fait 75.000 morts prématurés en France. Mais économiquement parlant, les 25.000 débitants de tabac mettent en avant l’impact de ces mesures d’Etat sur leur activité. Et l’Etat est d’autant plus incité à les écouter que ces commerçants ont le statut de "préposés des douanes" et donc d’auxiliaires de l’administration.

Aussi, depuis 2004, les buralistes bénéficient de mesures de soutien de leurs revenus. Trois "contrats d’avenir" ont ainsi couvert la période 2004-2016 et un "protocole d’accord sur la modernisation des réseaux de buralistes" gérera ce sujet sur la période 2017-2021. Ces mesures portent sur des soutiens directs au revenu, la sécurisation des débits de tabac, la diversification des activités de ces commerces ou encore des aides au départ ou à la mobilité, avec comme souci de protéger d’abord les bureaux les plus menacés de fermeture. 3,5 milliards d’euros ont ainsi été dépensés entre 2004 et 2016. A première vue avec efficacité, puisque la dépense budgétaire a décru, passant de 1,4 milliard pour le premier contrat d’avenir à 908 millions pour le dernier.

Vendre du tabac, une activité de plus en plus lucrative

Sauf que… tout au long de cette période, la part revenant aux commerçants sur la vente de chaque paquet n’a cessé d’augmenter. Ce "taux de remise nette" a ainsi crû de 0,4% entre 2011 et 2016, pointe la Cour des comptes. Comme le prix du paquet grimpe lui aussi, la marge des débitants sur chaque paquet flambe en proportion, compensant largement la baisse des ventes. Résultat : "Les revenus tirés par les buralistes de la vente du tabac continuent d’augmenter : ils ont été d’un tiers supérieurs sur la période 2012-2015 (1233 millions d’euros) à ce qu’ils avaient été entre 2004 et 2007 (908,5 millions d’euros)" souligne le rapport.

Ce soutien au revenu tiré du tabac est "un contresens économique" dénonce la Cour. En augmentant la part des buralistes, on ne les incite pas à diversifier leur activité. Au contraire, plus ils vendent de tabac, plus ils gagnent d’argent. Autre conséquence imprévue : ces aides destinées aux commerces les plus en difficultés profitent au contraire à ceux qui vendent les plus gros volumes. Au passage, la Cour des comptes nous apprend que la rémunération moyenne liée à la vente du tabac (avec les aides) est passée de 30.970 euros en 2004 à 53 592 euros en 2015. Une manne financière que ne surveille même pas l’Etat qui mène cette politique "en aveugle" selon la Cour. Les dispositifs d’aides sont insuffisamment contrôlés et des fraudes ont même été repérées.

Ce qui énerve les contrôleurs de la Cour, c’est que ce constat a déjà été effectué dans son rapport annuel de 2013. A l’époque la Cour avait déjà jugé que l’effort budgétaire de l’Etat envers les buralistes était disproportionné par rapport à ce qu’aurait exigé la situation des débitants les plus affectés par la baisse des ventes. Sans être écouté : le protocole d’accord signé le 15 novembre 2016 entre la profession et l’Etat aggrave encore les vices de la situation. La remise nette en faveur des buralistes va augmenter de 0,6% pour les cigarettes et de 0,5% pour les cigares et cigarillos. Cette année, le revenu moyen des débitants de tabac va augmenter de 4550 euros ! La Cour des comptes réitère donc son injonction à un véritable coup de balai dans une politique de soutien qui va à l’encontre des politiques de santé publique. Outre l’arrêt des dispositifs d’aides aux revenus, les magistrats demandent que l’Etat revienne sur les marges des débitants et surtout réexamine le statut d’auxiliaires des douanes de cette profession.

Commenter Commenter
à la une cette semaine

Centre de préférence
de vos alertes infos

Vos préférences ont bien été enregistrées.

Si vous souhaitez modifier vos centres d'intérêt, vous pouvez à tout moment cliquer sur le lien Notifications, présent en pied de toutes les pages du site.

Vous vous êtes inscrit pour recevoir l’actualité en direct, qu’est-ce qui vous intéresse?

Je souhaite recevoir toutes les alertes infos de la rédaction de Sciences et Avenir

Je souhaite recevoir uniquement les alertes infos parmi les thématiques suivantes :

Santé
Nature
Archéo
Espace
Animaux
Je ne souhaite plus recevoir de notifications