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« J’arrive à 19 heures, il y a 50 patients et je suis la seule infirmière de garde »

Noémie Laurens, 29  ans, raconte son quotidien dans une clinique, à Toulouse et à Antibes.

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Publié le 12 février 2017 à 06h42, modifié le 13 février 2017 à 14h42

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A l’hôpital de Lens (Pas-de-Calais).

Je mets quelques instants à comprendre la situation. « Et elle vient à quelle heure, la deuxième infirmière ? », dis-je à celle qui prend la relève. Elle éclate de rire. « Mais, il n’y en a pas, Noémie ! » Bon. Alors on y va.

Je commence mon premier tour de garde à 19 h 30. Normalement, le second débute à minuit, mais à minuit, je viens à peine de terminer le premier. Pourquoi ? Parce que j’ai pris deux minutes avec chaque patient pour me présenter, leur expliquer comment m’appeler, leur dire jusqu’à quelle heure je suis là. C’est le minimum, mais c’est déjà trop long. Donc, je recommence à minuit, tout le monde transpire parce qu’on est en plein été et que la clim est en panne.

Ce soir-là, je suis en soins de suite et de réadaptation (SSR) dans une clinique toulousaine. Quand j’étais élève infirmière – c’est-à-dire il y a environ mille ans, à voir comme les choses ont changé depuis –, les SSR, c’était une sorte de maison de convalescence. Mais tout est tellement bouché désormais que c’est devenu la cour des miracles : on y envoie tous les patients en fin de chaîne, ceux dont on ne sait pas quoi faire, dont certains qui devraient être en soins palliatifs.

Je vérifie que mes patients ne sont pas morts

Justement, j’en ai trois ce jour-là, des patients en soins palliatifs, et comme je suis toute seule à l’étage, je passe toutes les heures pour vérifier qu’ils ne sont pas morts. Il y a une petite mamie qui ne ­respire pas bien ; elle fait un œdème. J’appelle le chef de service, qui ne veut pas ­venir. Donc je quitte le service pour emmener la dame aux urgences – je la brancarde toute seule, je la transfère et il faut négocier une demi-heure avec les urgences pour qu’ils la prennent.

Du coup, j’ai laissé mon étage sans surveillance pendant une heure. Je reviens : un patient est mort entre-temps. Un pauvre monsieur desséché comme un bout de bacon, mort sans que personne ne lui tienne la main.

Pour faire la toilette mortuaire, il faut constater le ­décès. J’appelle le chef de service, qui ne veut pas se déplacer. Aux urgences, ils n’ont pas le temps d’envoyer un médecin, ils me demandent de faire un électrocardiogramme et de leur envoyer pour qu’ils signent à distance. Il est 4 heures du matin, je me pose pour manger et faire pipi. A 7 heures, c’est la relève, ma journée est finie.

Infirmière, c’est un métier de merde, mais je l’adore

Voilà comment s’est passé mon retour dans les soins, après deux années d’interruption où j’étais directrice de crèche – c’est une possibilité pour les infirmières diplômées en puériculture. Et je peux vous dire que je n’ai pas reconnu le métier.

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