Le gouvernement britannique souhaite que les personnes qui fuitent des secrets d’État soient sanctionnées plus sévèrement, rapporte The Guardian. Des personnes comme Edward Snowden pourraient ainsi encourir une peine allant jusqu’à quatorze ans de prison, au lieu de deux ans aujourd’hui. Les médias qui publient ces fuites pourraient, eux aussi, être poursuivis, précise le journal. Une proposition de loi à cet effet est en train d’être élaborée par des conseillers juridiques du gouvernement.
Cette proposition est vivement critiquée, souligne The Guardian, notamment par des défenseurs de droits de l’homme et par d’anciens lanceurs d’alerte. Ces derniers craignent que “des sanctions draconiennes ne dissuadent des lanceurs d’alerte potentiels de publier des informations qui seraient dans l’intérêt public”.
“Âge de glace journalistique”
“Ce projet menace la démocratie”, estime The Guardian dans un éditorial. Le journal, qui avait permis au journaliste américain Glenn Greenwald de publier les informations fuitées par Edward Snowden sur la surveillance de masse aux États-Unis, s’indigne. Si la proposition est adoptée, “cela marquera le début d’un âge de glace journalistique”, prévoit-il. “Toute personne qui publiera un article basé sur une fuite concernant les services de renseignement ou les affaires étrangères pourra être poursuivi […], que ces informations relèvent de l’intérêt public ou pas. Et ce même si la publication n’a pas été nuisible [pour la sécurité nationale].”
Si ce type de loi avait existé il y a trois ans, le rédacteur en chef du Guardian de l’époque, Alan Rusbridger, “aurait certainement été poursuivi pour avoir publié les dossiers Snowden”, relève le journal. Or, “ce que nous avions publié [sur la surveillance de masse par la NSA] était peut-être embarrassant, mais pas nuisible”. Avec ce projet, le gouvernement se trouve sur un terrain dangereux, selon le journal :
Dans cette ère numérique des fausses informations, où les faits réels deviennent de plus en plus précieux, le journalisme rigoureux et honnête est plus important que jamais. Sans lui, la démocratie se retrouvera affaiblie.”
L’indépendance et la qualité caractérisent ce titre né en 1821, qui compte dans ses rangs certains des chroniqueurs les plus respectés du pays. The Guardian est le journal de référence de l’intelligentsia, des enseignants et des syndicalistes. Orienté au centre gauche, proeuropéen, il se montre très critique vis-à-vis du gouvernement conservateur.
Contrairement aux autres quotidiens de référence britanniques, le journal a fait le choix d’un site en accès libre, qu’il partage avec son édition dominicale, The Observer. Les deux titres de presse sont passés au format tabloïd en 2018. Cette décision s’inscrivait dans une logique de réduction des coûts, alors que The Guardian perdait de l’argent sans discontinuer depuis vingt ans. Une stratégie payante : en mai 2019, la directrice de la rédaction, Katharine Viner, a annoncé que le journal était bénéficiaire, une première depuis 1998.