Non, il ne reviendra pas sur sa mesure phare. Dans l’entourage de Benoît Hamon, on est formel. «L’instauration d’un revenu universel d’existence est et restera dans le programme, assure Nicolas Matyjasik, le coordinateur du projet, et le calendrier demeure identique.» Le candidat PS propose toujours la mise en œuvre de son revenu universel en trois phases. La première consistera à augmenter le RSA de 10 % et à l’étendre aux 18-25 ans. Elle entrera en vigueur dès 2018 via la première loi de finances du quinquennat. La deuxième phase débutera en 2019 avec l’organisation d’une «grande conférence citoyenne» qui définira les contours précis du futur revenu universel. Avec l’objectif de verser 600 euros à tous les Français dans un premier temps, puis 750 euros à terme pour la troisième étape.
Le problème, c’est que l’économiste Thomas Piketty, qui vient tout juste de rejoindre l’équipe de campagne de Benoît Hamon – comme conseiller sur les questions européennes il est vrai -, n’est pas franchement sur la même longueur d’ondes. Invité sur France Inter le 12 février, il a évacué toute idée d’un revenu universel de 600 euros pour les smicards : «On ne peut pas l’augmenter à 600 euros par mois au niveau du Smic parce qu’il faudrait augmenter la CSG et les cotisations sociales pour le financer, donc ça ne servirait pas à grand-chose»… Une divergence qu’il a résumé ainsi : «Le revenu universel, je suis pour mais à certaines conditions.» A condition qu’il ne soit pas universel ?
Il y a quelques semaines, l’économiste avait semblé défendre l’idée de Benoît Hamon en publiant avec neuf autres chercheurs une tribune intitulée «Pour un revenu universel crédible et audacieux». Parmi les signataires, nombre de chercheurs renommés, tels Antoine Bozio (Ecole d’économie de Paris), Camille Landais (London School of Economics), Dominique Meda (Paris-Daupine) et Emmanuel Saez (Berkeley). Un texte que le candidat du PS a depuis cité maintes fois en réponse au procès en infaisabilité de sa mesure.
Une proposition plus discrète
A bien lire la tribune et un second texte publié dans la foulée par Thomas Piketty, les chercheurs ne cautionnent pourtant pas le revenu universel à la mode Hamon. «La question de la justice sociale ne s’arrête pas à 600 euros ou même 800 euros par mois, écrit l’économiste. Notre crainte est que l’on dépense beaucoup de temps et d’énergie à débattre de l’introduction d’un revenu de 800 euros formellement versé à tous – qui peut se résumer in fine à une opération comptable sur les bulletins de salaire - et que cela occulte les grands enjeux de justice sociale.» Seul hic : c’est précisément ce que propose Benoît Hamon…
En fait, Thomas Piketty prône une refonte de l’actuelle prime d’activité assortie d’une augmentation (d’environ 120 euros au niveau du Smic). Elle prendrait la forme d’un complément de salaire pour les personnes qui ont un emploi stable et d’une allocation classique pour les personnes qui cumulent les petits boulots ou ont des revenus très faibles. Avantage : le caractère automatique de la mesure éviterait le fort niveau de non recours observé actuellement chez des personnes découragées par la paperasse. Le chercheur est aussi très favorable à l’étendue du RSA aux 18-25 ans comme un moyen de «favoriser l’autonomie des jeunes et l’acquisition des qualifications».
Visionnaire, Thomas Piketty ? Une chose est certaine, depuis quelques semaines, Benoît Hamon insiste davantage sur la hausse du RSA à 600 euros et sa généralisation aux 18-25 ans. Et se fait beaucoup plus discret sur l’instauration d’un réel revenu universel d’existence de 750 euros distribué à tous les Français. «Si ce revenu universel d’existence monte en puissance, il ne peut se faire qu’étape par étape», prévenait-il dès le 26 janvier. Avant de ne s’engager «fermement» que sur le versement automatique du RSA aux plus pauvres et aux jeunes…