Multinationales

L’Assemblée examine une loi pour lutter contre l’accaparement de terres en France

Multinationales

par Sophie Chapelle

Une loi de lutte contre l’accaparement des terres agricoles en France doit être examinée par les députés ce 14 février [1]. « Depuis une décennie, une "libéralisation" du marché foncier est à l’œuvre dans notre pays, souligne Dominique Potier, député socialiste à l’initiative de la proposition. Elle est fondée sur la dérive individualiste de la course à l’agrandissement, un relâchement du contrôle des structures, des brèches législatives ouvertes en 2006 et l’arrivée de fonds spéculatifs à partir de 2008. » La récente acquisition de centaines d’hectares dans l’Indre par des investisseurs étrangers a par ailleurs rappelé que la France n’échappait pas aux phénomènes d’accaparement de terres qui se multiplient en Afrique, en Amérique latine ou en Europe de l’Est.

 A lire également sur le sujet : L’accaparement de terres et la concentration foncière menacent-ils l’agriculture et les campagnes françaises ?

Les dispositions prévues dans la loi visent notamment à étendre les prérogatives des Safer (sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural) censées être informées de toute cession de terres agricoles. Elles disposent d’un droit de préemption pour l’acquisition et la revente à des agriculteurs. Ce droit peut être contourné par des montages financiers. Jusqu’à maintenant, 100 % des parts devaient être vendues pour que les Safer puissent intervenir. Il suffisait donc qu’un investisseur en achète 99 % pour échapper à sa régulation. Cette faille juridique, ouverte par la loi Bussereau de 2006, n’avait pas été colmatée en 2014 par la loi d’avenir agricole. 

« L’accaparement relève d’abord des grandes exploitations qui monopolisent le marché foncier »

Désormais, les dispositions prévues dans cette loi pourraient bloquer une situation d’accaparement de terres comme celle de l’Indre. « La loi d’avenir (adoptée en 2014) permettait de signaler un cas comme celui de l’Indre mais sans donner les moyens aux Safer de préempter les terres. Là, elles auront aussi le pouvoir d’intervenir, souligne Dominique Potier, contacté par Basta!. Mais ce cas est l’arbre qui cache la forêt, précise t-il. L’accaparement en France relève d’abord des grandes exploitations qui monopolisent le marché foncier. » Selon un rapport du Transnational Institute, le nombre de fermes en France de moins de 10 hectares a diminué de 56% en une décennie, passant de 339 400 en 1990 à 149 000 en 2013. A l’échelle européenne, sur la même période, elles ont chuté d’un tiers au profit de grandes exploitations agricoles.

 Lire à ce sujet : L’hyper concentration de terres aux mains d’une « élite » n’épargne aucun pays européen

Intégrées à la loi dite Sapin 2, les dispositions ouvrant droit à la préemption par les Safer sur des parts sociales affectées à un bien immobilier avaient été censurées en décembre 2016 par le Conseil constitutionnel. Dominique Potier est cette fois-ci confiant : « L’accord trouvé en commission mixte paritaire a consolidé la proposition de loi vis à vis du Conseil constitutionnel et rend le texte peu attaquable ». Dans l’attente de la lecture définitive de la proposition de loi, prévue le 22 février prochain, le député socialiste estime indispensable que soit élaborée « une grande loi foncière » lors de la prochaine législature. « Pour le moment, on corrige des failles législatives introduites il y a une dizaine d’années. Mais contrer ce mouvement libéral de concentration des capitaux n’est pas à la hauteur des enjeux. Le foncier doit être redécouvert comme un commun qui doit être régulé par la puissance publique. »