Le Parti démocrate italien au bord de l’implosion
- Publié le 19-02-2017 à 16h28
- Mis à jour le 20-02-2017 à 08h14
L’abandon calculé du leadership du parti par Matteo Renzi ravive les divisions internes.
Le 4 décembre dernier, le Premier ministre italien Matteo Renzi perdait sa bataille politique à la suite de la défaite du référendum sur la réforme constitutionnelle qu’il défendait. Dans la foulée il remettait son mandat de président du Conseil des ministres.
Deux mois et demi plus tard, Matteo Renzi a décidé d’abandonner également son mandat de secrétaire du Parti démocrate. Une démission qui semble calculée pour mieux se lancer à la reconquête de la gauche italienne.
Son objectif est d’organiser un congrès et des élections primaires dans les prochaines semaines avec l’espoir non avoué de voir l’Italie retourner aux urnes en septembre prochain.
Mais voilà, le Parti démocrate est loin d’être uni sur la question. Le scrutin de décembre dernier a exacerbé les tensions internes. La minorité de gauche, qui avait appelé à voter contre lors du référendum, et qui est opposée à Matteo Renzi - jugé autoritaire, arrogant et présomptueux -, se dit aujourd’hui prête à faire sécession.
"Vous ne pouvez pas demander à quelqu’un qui a décidé de démissionner pour permettre la tenue du congrès, de ne pas être candidat à sa propre succession sous prétexte que cela éviterait la scission du parti. Vous avez le droit de me battre, mais aucun droit à m’éliminer", a déclaré M. Renzi face aux six cents délégués de l’assemblée nationale organisée dans un hôtel de Rome.
"Le chantage est pire que la scission" a tranché le Toscan qui espère bien réussir à se faire réélire à la tête du Parti démocrate pour à nouveau convoiter la présidence du Conseil des ministres.
Un processus de réflexion
Parfois surnommé Machiavel, le Florentin semble déterminé à ne pas se laisser mettre hors jeu par l’ancien Premier ministre, Massimo D'Alema, et l’ancien secrétaire du parti, Pierluigi Bersani qui ont pris la tête des frondeurs.
"Une partie d’entre nous, moi y compris, pensent que le Parti démocrate va droit dans le mur et donc une partie de l’Italie va aussi droit dans le mur", a rétorqué Pierluigi Bersani. "Nous disons simplement que nous voulons discuter d’un grand changement de cap sur les thèmes urgents pour le pays, et si nous organisons un congrès prémâché dans les trois mois qui viennent, il n’y aura aucune possibilité d’ouvrir une discussion sérieuse."
Publiquement, la minorité de gauche du Parti démocrate demande donc un processus de réflexion pour aboutir à un congrès, organisé en automne, pour arriver à la fin naturelle de la législature au printemps 2018. Mais en coulisse, cette minorité veut clairement se donner les moyens d’éliminer définitivement Matteo Renzi; de l’envoyer à la casse comme lui avait annoncé vouloir le faire avec ceux qui se retournent aujourd’hui contre lui.
La fin d’une expérience unique ?
Le Parti démocrate, formé en 2007, est une créature politique née de la fusion de différents courants; des anciens communistes à la gauche de la démocratie chrétienne en passant par les socialistes.
"Les secrétaires précédents, comme Walter Veltroni ou Pierluigi Bersani ont toujours respecté ce pluralisme" explique Vera Capperucci, historienne des partis politiques. "Matteo Renzi a proposé un schéma différent, et le parti n’était pas habitué à ce modèle politique autoritaire, centré autour d’une seule personne."
Une éventuelle scission pourrait donc signer la fin de cette expérience unique née il y a tout juste dix ans pour combattre la droite de Silvio Berlusconi. La crise économique et les difficultés à se relancer pour la troisième économie de la zone Euro, ont changé les règles du jeu. Politiquement le Parti démocrate doit à présent affronter un scénario différent, avec une droite divisée, redimensionnée, et un Mouvement 5 Étoiles qui attire tous les mécontents du pays, y compris de nombreux électeurs du Parti démocrate.
"Matteo Renzi a dressé un mur", estime M. Bersani, expliquant que la minorité de gauche attend encore un geste avant d’officialiser la rupture.
Enfermé dans ce dialogue de sourds, le Parti démocrate ressemble désormais à un géant aux pieds d’argile. Le comique Beppe Grillo et son Mouvement 5 Étoiles se frottent déjà les mains.