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Billet

En Grèce, les réfugiés sont «chez eux» : le discours exemplaire du Président

Dimanche, Prokópis Pavlópoulos a invité des enfants réfugiés à rester en Grèce. Une prise de position politique qui reste rare dans le paysage européen où les pays du Sud sont souvent ceux qui expriment le plus ouvertement des valeurs d'humanité.
par Maria Malagardis
publié le 20 février 2017 à 16h15

Qu'on se le dise, il existe des leaders politiques courageux qui savent résister aux sirènes de la xénophobie en prononçant des paroles fortes, émouvantes, dans cette Europe devenue si frileuse. Car pas besoin de traverser l'Atlantique pour mesurer combien les responsables politiques acceptent de dresser des murs invisibles, censés nous protéger de la fameuse «misère du monde».

Mais curieusement, ces voix bienveillantes, on les entend plus souvent dans les pays pauvres du Sud de l'Europe que dans ceux en principe pourtant plus prospères du Nord. Ce sont les voix des manifestants descendus dans les rues de Barcelone ce week-end pour réclamer que l'Espagne accueille les 16 000 réfugiés qu'elle avait promis d'accueillir alors qu'elle n'en a reçu que 1 100 pour l'instant. Ou encore les paroles fortes prononcées ce dimanche par Prokópis Pavlópoulos, président d'un pays régulièrement stigmatisé par Bruxelles : la Grèce.

Dimanche, le chef d'Etat grec (qui ne gouverne pas mais joue un rôle important) s'adressait à des enfants réfugiés, pour la plupart venus de Syrie, d'Irak ou d'Afghanistan : «Vous êtes une part de nous-mêmes, leur a-t-il déclaré, et vous resterez ici chez nous, jusqu'à ce que s'achève le cauchemar de la guerre.» Celle qui frappe leurs pays et dans laquelle «les Occidentaux portent aussi leur part de responsabilité», a ajouté le président grec, tout en invoquant «l'humanisme, la paix, la démocratie et la justice», valeurs de cette culture, qui a permis, selon lui, le rayonnement «de l'Europe et de l'Occident».

Flux de réfugiés à la hausse

La scène se déroulait à Chaïdari, banlieue d’Athènes où a été installé, dans un ancien camp militaire, un centre pour réfugiés. Les enfants y sont désormais scolarisés, ce dont venait se féliciter le président grec. Reste que ces réfugiés se retrouvent coincés en Grèce, non pas par choix, mais parce que les pays européens ont décidé, au printemps 2016, de fermer leurs frontières, transformant un pays membre, la Grèce, en cul-de-sac pour les damnés de la terre.

Il se trouve aussi que le discours présidentiel a été prononcé à la veille, ce lundi, d'une nouvelle réunion des ministres des Finances de la zone euro, l'Eurogroupe, censé acter l'exigence de nouvelles mesures d'austérité dans un pays exsangue, face auquel il semble toujours nécessaire de hausser le ton malgré l'échec patent des recettes libérales préconisées depuis bientôt sept ans. Les mêmes dirigeants européens se montrent en revanche bien moins sévères, voire silencieux, face aux dérives de la Turquie de Recep Tayyip Erdogan, avec laquelle ils ont conclu l'an dernier un accord ambigu pour stopper ces flux migratoires qui se déversaient sur l'Europe via la Grèce.

Au fait, ces flux ont-ils été stoppés ? Certes, on est loin des vagues massives de réfugiés qui avaient marqué l'année 2015. Mais le trafic n'a jamais été totalement interrompu. Il semble même repartir à la hausse avec prés de 2 000 nouvelles arrivées en Grèce depuis le 1er janvier 2017, selon les chiffres du Haut Commissariat aux réfugiés. Dans un pays épuisé et ruiné par sept ans d'austérité implacable, exigée par ses créanciers, les Grecs doivent ainsi également se débrouiller pour gérer la présence de 62 540 réfugiés, dont le nombre continue à augmenter.

Générosité

Alors que la générosité d'Angela Merkel a fait long feu, que les députés britanniques viennent de limiter l'accueil des enfants réfugiés, et que la France s'interroge encore sur l'impact de la colonisation comme sur la façon de qualifier des violences policières visant quasi systématiquement de jeunes immigrés, la Grèce bien qu'appauvrie et désespérée, est, elle, encore capable de faire preuve de générosité, par la voix de son Président. Sans «faire le jeu de l'extrême droite». Celle-ci est certes représentée au Parlement par un parti néonazi. Lequel reste cependant cantonné, pour l'instant, et malgré l'afflux massif de réfugiés, aux mêmes scores que ceux qui ont permis son essor au début de la crise (autour de 7%).

Il n’y aurait donc pas de logique fatale ? Il serait possible de parler des réfugiés avec humanité, sans favoriser les populismes xénophobes ? Les paroles du président grec, comme les manifestations de Barcelone, nous rappellent à point nommé que l’exemplarité vient parfois de pays mis à l’index par les experts-comptables d’une Europe qui préfère les calculettes au respect de ses valeurs fondatrices.

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