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Politique
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Les gros conflits d’intérêts des députés qui travaillent dans le privé

Beaucoup de parlementaires perçoivent des rémunérations très élevées de leurs activités privées. Mais les règles qui encadrent les conflits d’intérêts sont inefficaces.

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Assemblée nationale, février 2017.

Certes, l’Assemblée nationale a créé un poste de déontologue, en 2011, qui a une simple mission de conseil pour les députés s’interrogeant sur leurs conflits d’intérêts –il a reçu sept demandes l’année dernière.

AFP

Un premier pas. Ce 21 février, pour la fin de la session parlementaire, l’Assemblée nationale a décidé de publier les noms des collaborateurs des parlementaires, en réaction à l’affaire François Fillon, accusé d’avoir rémunéré sa femme pour un emploi d’attaché parlementaire supposé fictif. En revanche, rien sur le second volet de cette affaire: les conflits d’intérêts entre le mandat de député et une activité dans le privé. En 2012, avant de retrouver son siège au Palais Bourbon, François Fillon avait créé 2F Conseil (298.000 euros de chiffre d’affaires en 2015), puis travaillé pour Axa, Ricol Lasteyrie ou la banque Oddo.

René Dosière, le député socialiste, spécialiste des questions d’éthique, qui présente aujourd’hui un rapport sur la transparence dans l’hémicycle, admet une grosse lacune sur ce sujet: "La situation n’est pas satisfaisante. Le bureau de l’Assemblée aurait dû édicter des règles pour traiter les situations de conflits d’intérêts, et interdire aux parlementaires, dans certains cas, de participer à l’élaboration de la loi". Certes, l’Assemblée nationale a créé un poste de déontologue, en 2011, qui a une simple mission de conseil pour les députés s’interrogeant sur leurs conflits d’intérêts –il a reçu sept demandes l’année dernière. 

Dirigeants, conseillers, avocats...

Or, les exemples de députés businessmen sont légion. L’un des lieutenants de Fillon, le député Thierry Solère, mis en cause récemment dans une affaire de fraude fiscale, perçoit 12.000 euros bruts mensuels, depuis octobre 2014, en tant que "conseiller France et International" de Chimirec, une grosse PME de recyclage. Auparavant, il a touché pendant 10 ans plus de 20.000 euros par mois pour ses activités de conseil, chez Aliapur, société fondée notamment par Michelin, et Deloitte, d’après sa déclaration d’intérêts à la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP). De son côté, Philippe Briand (LR), l’ex-trésorier de la campagne de Nicolas Sarkozy qui a été renvoyé en correctionnelle dans l’affaire Bygmalion, détient le réseau de syndics Citya. En 2013, il a touché 101.600 euros de salaires et 361.000 euros de dividendes.

L’un des plus gros revenus de l’Assemblée, c’était Jean-Michel Baylet, PDG du groupe de la Dépêche du Midi, de Midi Olympique et de la société Occitane de Communication qui percevait 720.000 euros par an avant de devenir ministre, en 2016. Beaucoup d’avocats -34 selon un pointage de 2012-  affichent de gros revenus, tels que Gilbert Collard du Front National (393.000 euros en 2012). Le Sénat compte aussi des robes noires célèbres, comme François Baroin, qui a repris du service en juillet 2014, inscrit à la Chambre Arbitrale Internationale et assurant la défense du marchand d’art Yves Bouvier.     

Un contrôle limité

Certes, il est utile que les parlementaires gardent un pied dans le privé. Mais face à ces conflits d’intérêts, les règles restent laxistes, les députés pouvant légiférer sur des sujets touchant leurs clients. En 2011, Martin Hirsch avait jeté un pavé dans la marre dans son livre Pour en Finir avec les conflits d’intérêts (Fayard), dans lequel il dénonçait les activités d’avocats de Jean-François Copé, alors député. Depuis, en 2013, les "lois Cahuzac" ont obligé les parlementaires à déclarer toutes leurs rémunérations à la HATVP, qui les publie sur son site Internet. Mais les interdictions d’exercer restent limitées et souvent contournées.

Un parlementaire ne peut pas diriger de société alimentée par la commande publique. Or, Olivier et Serge Dassault siègent à l’Assemblée et au Sénat car ils dirigent les holdings du groupe et pas les entreprises dépendant des commandes militaires… Depuis 2013, il est interdit de créer une société de consultant en cours de mandat, une règle qui ne s’applique pas à ceux qui la détenaient avant leur élection. François Fillon et Luc Chatel ont, ainsi, créé leur cabinet quelques jours avant leur arrivée au Palais Bourbon.

Pour encadrer ce mélange des genres, l’association anti-corruption Anticor propose une solution assez radicale: "le mandat de député doit rester l’activité principale. Et sa rémunération doit être supérieure à celle des activités annexes", avance Eric Alt, le vice-président de l’ONG. En clair, la rémunération tirée du privé devrait être inférieure à 7.185 euros bruts, le montant de l’indemnité mensuelle totale de député. Une règle qui vise à réduire les conflits d’intérêts en limitant les gains du parlementaire businessman.

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