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Il y a un siècle, le premier jour de la révolution russe

La famille impériale vers 1913-1914 DR

LE FIGARO HISTOIRE - Le 23 février 1917 (8 mars dans le calendrier grégorien), une manifestation ouvrière mettait le feu aux poudres à Saint-Pétersbourg. Récit de la semaine qui entraîna la chute du tsar Nicolas II et ouvrit la voie à la révolution bolchevique d'octobre.

Au mois de février 1917, les magasins d'alimentation ferment en masse à Petrograd (le nouveau nom de Saint-Pétersbourg depuis 1914), faute d'arrivages suffisants de produits alimentaires. Les éléments se déchaînent: dans la nuit du 14 février, des chutes de neige empêchent les trains de céréales d'atteindre la capitale. Le 16 février, la municipalité de Petrograd introduit des cartes de rationnement pour le pain. Les pauvres se ruent vers les boulangeries et les magasins sont pillés. La foule s'organise en rassemblements, au cri: «Du pain!» Mais le gouvernement reste passif.

Sur la perspective Nevski, l'avenue principale de la ville, des pancartes « A bas le tsarisme, à bas la guerre! »

Le 23 février, lors de la Journée internationale des femmes, les femmes se rassemblent à Vyborg, l'immense faubourg ouvrier de Petrograd, et marchent sur l'hôtel de ville. Par prudence, les dirigeants des partis révolutionnaires (mencheviks, bolcheviks et socialistes-révolutionnaires) tentent de s'opposer à cette manifestation. Le 25 février, des dizaines de milliers d'ouvriers, qui se sont mis en grève générale, se pressent, armés de bric et de broc, sur la perspective Nevski, l'avenue principale de la ville, avec des pancartes «A bas le tsarisme, à bas la guerre!» La police montée lance plusieurs charges, mais les cosaques prennent le parti des manifestants. C'est une surprise de voir ces paysans libres et armés, liés par serment de fidélité au tsar, passer à la révolte. Dans la soirée, le général Khabalov, commandant du district militaire de Petrograd, reçoit de Nicolas II un télégramme lui ordonnant de «faire cesser par la force, avant demain, les désordres à Petrograd».

Le 26 février, Petrograd est en ébullition. Vers midi, la police et l'armée ouvrent le feu sur des manifestants et font 150 victimes. Mais certains soldats, y compris dans les régiments de la Garde, refusent de tirer, et ceux du régiment Pavlovski se rallient aux insurgés. Dans la nuit du 26 au 27 février, tout bascule: les régiments d'élite Volynski et Preobrajenski se mutinent. La désaffection de l'armée devient irréversible.

Au matin du 27, une foule déchaînée de soldats, d'ouvriers, d'étudiants, de femmes et d'enfants prend d'assaut le palais de justice, la forteresse Pierre-et-Paul, l'arsenal, la prison de Kresty. Tous les commissariats de police brûlent. La mitraille couvre la ville. Une partie des révoltés se dirige alors vers le palais de Tauride, siège de la Douma, dont le tsar vient d'ordonner la suspension. Quand la foule arrive en chantant La Marseillaise, le socialiste Alexandre Kerenski, l'un des chefs de l'opposition au gouvernement, bondit à la tribune en hurlant: «Je vais me rendre immédiatement dans les casernes… Puis-je annoncer aux soldats que la Douma est avec eux, qu'elle se place à la tête du mouvement?» Rejetant leur suspension, les députés de la Douma forment alors un comité provisoire pour rétablir l'ordre. Le même jour, des militants de toutes les tendances révolutionnaires fondent le Soviet de Petrograd, qui se dote lui aussi d'un comité exécutif provisoire. Kerenski est membre de l'un et de l'autre.

Nicolas II décide d'abdiquer non en faveur du tsarévitch Alexis, adolescent hémophile, comme le veulent les lois fondamentales de la Russie, mais de son frère, le grand-duc Michel.

Le 2 mars, une longue négociation entre les deux comités aboutit à la création d'un gouvernement provisoire, que la Douma confie au prince Lvov. Aussitôt, les députés Goutchkov et Choulguine se rendent auprès du tsar, au quartier général du front Nord, à Pskov, pour le presser d'abdiquer. Nicolas II, à qui on reproche son irresponsabilité devant la gravité de la crise, se rend à la raison invoquée par son état-major: ce serait là le seul moyen de sauver la Russie et de gagner la guerre aux côtés des Alliés. Après une longue réflexion, il décide cependant d'abdiquer non pas en faveur du tsarévitch Alexis, adolescent hémophile, comme le veulent les lois fondamentales de la Russie, mais de son frère, le grand-duc Michel. L'acte d'abdication est signé dans la soirée mais porte l'indication «15 heures», pour laisser entendre que Nicolas II a agi seul, sans se soumettre à la pression de la Douma. Influencé par Kerenski, qui lui représente le danger qu'il y aurait pour lui à s'opposer à la volonté du peuple, le grand-duc Michel abdique à son tour le 3 mars et se déclare en faveur d'une Constitution. C'est la fin de l'autocratie et de la monarchie des Romanov, après plus de trois siècles de règne en Russie.

Même si Lénine n'y croit pas encore, son heure est bientôt proche.

Les journées de février et mars 1917 marquent l'effondrement du tsarisme et l'apparition d'une république démocratique. Les partis révolutionnaires ont su canaliser le profond mécontentement. Mais la capacité du nouveau gouvernement à maîtriser le pays reste aléatoire. Comme le note Chliapnikov, représentant de Lénine en Russie: «Nous sommes les seuls à avoir en ce moment une organisation qui couvre toute la Russie… Le mécontentement est à son comble dans le pays. L'ouragan révolutionnaire peut se déchaîner à tout moment.» Même si Lénine n'y croit pas encore, son heure est bientôt proche.


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Il y a un siècle, le premier jour de la révolution russe

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81 commentaires
  • ironic

    le

    Il y eut une révolution puis un coup d'état des bolcheviques.

  • utilisateurdelabas

    le

    Les russes n'ont inventé le totalitarisme bolchévique, il fut inventé en 1789 en France.

  • JEANPAULR1

    le

    C'est une révolte sir , non c'est une révolution.

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