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Bayrou-Macron: les coulisses d'une alliance et le coup de pouce de Cohn-Bendit

François Bayrou a surpris son monde ce mercredi en proposant une alliance avec Emmanuel Macron. Celle-ci s'est dessinée en moins d'une semaine.

Mais quand François Bayrou a-t-il eu l'idée de cette alliance avec Emmanuel Macron en vue de la présidentielle? Cette union sous conditions s'est scellée dans les derniers jours ont raconté plusieurs protagonistes... sans forcément livrer des informations identiques. Pour Marielle de Sarnez, vice-présidente du Mouvement démocrate (MoDem), le pacte était déjà dans les tuyaux il y a deux semaines:

"Entre François Bayrou et Emmanuel Macron, cela s'est fait il y a une quinzaine de jours mais la conviction de François Bayrou depuis longtemps, c'est que le rassemblement est justifié".

Pourtant, Gérard Collomb, sénateur-maire de Lyon et, pour sa part, macronien parmi les macroniens, a assuré devant nos caméras que c'est la rencontre, confirmée par François Bayrou durant sa conférence de presse, entre les deux hommes la semaine dernière qui a été décisive:

"Ils ont indiqué qu’ils s’étaient rencontrés il y a une semaine, et qu’ils avaient décidé dès ce moment-là de conclure une alliance ensemble. Et les conditions du dialogue ont été confirmées par la conférence de presse d’aujourd’hui."

Une décision de dernière minute

Alors pourquoi François Bayrou a choisi d'embrasser la cause d'Emmanuel Macron à la présidentielle, mais une chose est sûre cependant. François Bayrou n'a annoncé sa décision à son nouveau partenaire que quelques minutes avant de l'annoncer à la presse: "Je l'ai appelé aussitôt avant mon discours car il n'était pas au courant", a assuré le centriste à David Pujadas lors du journal de 20h de France 2 ce mercredi soir. Selon nos informations, un coup de téléphone a pourtant eu lieu deux heures avant la prise de parole du leader du MoDem.

Sur notre antenne, la journaliste politique Ruth Elkrief a confirmé que François Bayrou était sorti tardivement de longues hésitations:

"Lundi soir c’était encore très équilibré du côté de François Bayrou. Des gens lui conseillaient de ne pas y aller et d’autres lui conseillaient l'inverse. Ça a l’air de s’être passé aujourd’hui. (...) François Bayrou, qui connaît la politique depuis longtemps, a certainement senti aujourd’hui que cette offre d’alliance avait beaucoup plus de poids qu’il y a quinze jours."

Pour Bruno Jeudy, éditorialiste de BFMTV, c'est une analyse de la tendance politique actuelle et des lames de fond qui emportent désormais régulièrement le personnel politique en place depuis plusieurs années qui a opéré la bascule dans l'esprit de l'ancien ministre de l'Education nationale d'Edouard Balladur et Alain Juppé:

"Sans doute, au fond, avec ce qu’il s’est passé à la fin de l’année 2016, les éliminations de Nicolas Sarkozy, d’Alain Juppé dans la primaire, François Hollande qui jette l'éponge...il a compris qu’il faisait partie de cette génération qui devait passer la main." 

Improvisation ou orchestration?

Si ce renoncement de l'édile et cette jonction des deux figures du centre sont liés à une réflexion de fond, l'entourage de François Bayrou n'y a pourtant vu que du feu jusqu'au dernier moment.

"Juste avant la conférence de presse, François Bayrou a réuni son cercle rapproché pour dire: 'Voilà ce que je vais faire'. Avant ça, ils ne le savaient pas", a dépeint notre journaliste Laurent Neumann. 

Mais François Bayrou aurait-il pris le risque de tout improviser, de poser des conditions à une alliance sans garantie de les voir reprises par Emmanuel Macron, et donc de s'exposer à un désaveu si ce n'est à un camouflet? Non, a souri le politologue Roland Cayrol sur notre chaîne:

"Les propositions étaient déjà acceptées. Elles avaient été discutées un peu avant la veille au soir. Tout ça a été très bien fait. C’est allé vite."

Pourtant, François Bayrou a assuré sur France 2 n'avoir "jamais discuté de circonscriptions" avec Emmanuel Macron quand certains voyaient dans cette alliance des contreparties électorales et une négociation pour obtenir un groupe à l'Assemblée nationale. Un sentiment par la condition posée par le maire de Pau de mettre en place la proportionnelle. 

Daniel Cohn-Bendit, le "centremetteur"

Et si tout est allé si vite, des discussions préliminaires au tweet reconnaissant d'Emmanuel Macron saluant les mots de François Bayrou, aussitôt après qu'ils soient sortis de la bouche de ce dernier, c'est que les négociations ont bénéficié d'un travailleur de l'ombre.

"Un homme a joué un rôle important du côté du camp Macron: Daniel Cohn-Bendit. Il a suivi l’évolution des choses et a conseillé à Emmanuel Macron d’accepter si François Bayrou venait, et de faire un deal. Ensuite, François Bayrou et Emmanuel Macron ont beaucoup échangé par textos ces dernières 48h et ils se sont appelés cet après-midi", a révélé Ruth Elkrief. 

On a donc assisté au mariage politique entre un président de parti, trois fois candidat à la présidentielle, et l'ancien ministre de l'Economie, vierge de tout scrutin, le tout sur fond de médiation d'un ancien leader de mai 68, ex-eurodéputé écologiste. Pas de doute, les grandes manoeuvres battent leur plein. 

Robin Verner